Il est bien ennuyeux le chien qui fugue et va égorger les brebis. Comment, celui qui est considéré comme le gardien et le conducteur du troupeau, peut-il devenir un tueur assoiffé de sang ? Il est important de comprendre les « mobiles » avant de tenter de corriger…
L’instinct plus fort que tout
Un chien qui s’attaque aux moutons ne le fait pas toujours poussé par la faim, on peut même dire que c’est exceptionnel. Il peut être sujet à une crise instinctive au cours de laquelle les vieux mécanismes se réveillent.
Chez les canidés sauvages on apprend à capturer et mettre a mort dès le plus jeune âge. La mère ou un autre adulte apporte aux jeunes tout juste sevrés, une proie de petite taille blessée afin qu’ils s’exercent : un lapin, un coq de bruyère, un écureuil… Ils apprennent vite à coordonner leurs mouvements pour se déplacer et couper la retraite de leur proie. Ils vont découvrir rapidement les zones où l’animal peut être étranglé, c'est-à-dire l’orientation de la morsure la plus efficace pour pouvoir se nourrir rapidement (le principe du renforcement positif).
Les exercices se pratiquent également dans des simulacres d’attaque et de capture entre frères et soeurs avec mise à mort symbolique, en saisissant le cou et on secouant. Durant les jeux ces exercices vont se faire sur des objets qui prennent pour eux allure de gibier, pourvu qu’ils bougent un peu : c’est la feuille qui glisse, la balle qui roule ou la corde à mâcher pour le chien domestique.
Il faut en profiter pour tordre le cou à certaines affirmations qui veulent que le loup soit un prédateur cruel qui massacre les troupeaux. Il est vrai que le loup est un prédateur naturel qui peut s’en prendre à un troupeau lorsqu’il a faim, mais il le fait avec circonspection, prêt à fuir à la moindre alerte. Une simple bergère peut l’effrayer avec un bâton, ou même sa présence. Ce qui a fait sa mauvaise réputation dans le passé, c’est lorsqu’il était atteint de la rage et devenait fou, mordant tout ce qui se présentait …
J’ai pu constater que le loup sain procède selon une technique de prédation bien rôdée. Il étudie le troupeau pendant des heures ainsi que ses gardiens, humains ou chiens. Il choisit sa cible, un agneau ou une brebis isolée, souvent blessée ou malade, l’attaque a toujours lieu en bordure de forêt ou de broussailles, rarement à découvert. L’agression est toujours foudroyante, dirigée au niveau du cou pour jeter sa proie au sol et l’étrangler le plus rapidement possible, avant de la tirer a couvert le plus loin du troupeau. Ceci même s’il s’agit d’une meute de 5 ou 6 individus.
Ce qui signifie que lorsque vous lisez dans la presse qu’un loup a massacré des dizaines de brebis dans le Mercantour ou ailleurs, vous pouvez être certain qu’il ne s’agit pas d’un loup. Par contre le loup étant protégé par la convention de Berne, l’éleveur se fera remboursé des dégâts, ce qui ne sera pas le cas pour le chien tueur, si le maître n’est pas connu…
Les chiens tueurs
La SPA parle d’environ 100 000 chiens abandonnés chaque année, ils feraient environ 250 000 victimes dans les troupeaux. Rappelons que la France est au premier rang d’Europe avec environ 8 millions de chiens, plus de la moitié d’entre eux vivent à la campagne ou dans des agglomérations modestes.
Autrefois on disait : « il ne faut jamais leur donner à manger de la chair des bêtes à laine ; une fois qu’ils ont pris le goût du sang ils ne peuvent plus s’en passer ».
Chez le chien, on peut constater dans les pays où le loup est très présent, qu’il y a deux cas typiques. Il peut s’agir d’un chien sous-alimenté qui appartient à une ferme. Il s’en va la nuit, attaque les troupeaux à quelques distances, et revient au matin assurer son service auprès de ses maîtres avec une totale innocence. Chez nous le chien qui attaque les troupeaux est souvent un chien qui fugue à la campagne.
Il peut advenir également que plusieurs chiens abandonnés s’assemblent en meute et retrouvent leurs lois ancestrales dans les rapports sociaux avec un chef et des subalternes. C’est les plus dangereux car ils peuvent faire de véritables massacres dans un troupeau.
L’effet de meute engendre une émulation qui se transmet de l’un à l’autre avec un véritable déchaînement sur les bêtes. C’est alors des dizaines de bêtes qui sont blessées, tuées, qui avortent (certaines sont écrasées contre les clôtures et si nous sommes en montagne il y a le risque d’être précipitées dans le vide.
Contrairement au loup le chien ne craint pas l’homme, il peut même aller jusqu’à l’attaquer s’il ne peut fuir. D’autre part, il n’a pas sa science de la chasse et de la mise à mort, son agression est désordonnée ; il mord les pattes, les gigots, les mamelles, la tête, les oreilles, saisit tout ce qu’il peut attraper, et ce, non pas sur une seule victime, mais au hasard, jusqu’à épuisement. C’est alors qu’il va dévorer des parties des bêtes abattues.
Comment corriger le chien qui s’attaque aux brebis ?
La prévention
Selon la loi : « Est considéré comme en état de divagation tout chien qui, en dehors d’une action de chasse ou de la garde d’un troupeau, n’est plus sous la surveillance effective de son maître, se trouve hors de portée de voix de celui-ci ou de tout instrument sonore permettant son rappel, ou qui est éloigné de son propriétaire ou de la personne qui en est responsable d’une distance dépassant cent mètres. Tout chien abandonné, livré à son seul instinct est en état de divagation… » Code rural
Lorsque c’est possible, surtout si on habite à la campagne à proximité d’éleveurs de brebis, il faut mettre le chiot en contact avec elles durant la période de connaissance des espèces amies (jusqu’à l’âge de 3 mois). Un chiot qui aura été confronté avec elles, de manière régulière, ne les considère plus comme des proies. Les éleveurs font cela depuis des centaines d’années pour leurs chiens de conduite et de garde des troupeaux (avant même que K. Lorenz mette en évidence le phénomène de l’imprégnation intra et interspécifique).
La rééducation
Il est évident que plus le chien aura réussi des attaques, plus il sera difficile de corriger, d’autre part il y a des races plus disposées comme le husky, tout en sachant que cet instinct existe dans toutes…
Le maître ne doit pas être impliqué dans le désagrément que le chien va subir (il ne doit pas savoir que cela vient de lui), sinon cela risque de créer une perte de confiance dans son maître, et surtout, cela ne bloquera le chien que lorsqu’il est présent (ce qui n’est pas le cas du chien qui fugue).
Ce comportement d’attaque est à prendre sérieusement car dans certains cas il y va de la vie du chien (coup de fusil), sans parler du refus de remboursement des dégâts par l’assurance pour les récidivistes. On va être donc obligé dans certains cas d’utiliser des méthodes désagréables, voire douloureuses.
Le principe du hérisson
Un chiot ou un louveteau qui tente de dévorer un hérisson en gardera un cuisant souvenir qui lui fera faire un écart lorsqu’il en trouvera un sur son chemin.
On peut utiliser un vomitif puissant que l’on injecte au chien juste avant de le lâcher sur des brebis bien en laine (une protection contre les morsures), il doit être malade au moment même où il attaque de manière à associer son action avec un fort désagrément. Cette technique a été utilisée de manière positive sur des coyotes tueurs de brebis.
Dévier l’attention
Lorsqu’il n’est pas trop ancré dans son comportement et qu’il se contente d’aboyer ou de poursuivre sans morde, on peut éliminer ce comportement en déviant l’attention au bon moment. C’est une loi d’apprentissage, tout comportement qui ne peut aller jusqu’au bout (phase consommatoire) va disparaître au bout d’un certain temps.
Pour dévier fortement l’attention focalisée sur les brebis il faut utiliser quelque chose d’assez fort (selon la sensibilité du chien) : balle de jeu, friandise, coup de sifflet, pistolet à amorces d’enfant, etc.
Stimulus aversif
Quelque chose de très désagréable qui survient au moment du mauvais comportement.
- Le collier à air : le chien porte un collier avec un diffuseur puissant d’air, que le maître peut déclencher à distance grâce à un boîtier électronique. Par sécurité on peut éventuellement mettre une muselière ou enfermer les brebis dans un enclos.
- L’élastique : technique réservée aux gros durs et récidivistes, il s’agit d’un élastique adapté à la taille du chien qui est relié au collier. S’il se lance sur les moutons, on le laisse partir en tenant le bout de l’élastique, dés que celui-ci arrive en fin de course on lâche tout afin qu’il vienne percuter le chien derrière la tête. Il est évident que lorsque la punition tombera du ciel, il risque de venir se réfugier près de son maître qui doit complètement l’ignorer.
- Lorsque le mouton se rebiffe
On peut utiliser un bélier particulièrement belliqueux que l’on place dans un enclos, avec dans un autre enclos derrière lui un groupe de brebis. Le chien sera lâché dans le premier enclos pour recevoir les charges des brebis.