“ La seule vraie science est la connaissance des faits ” Buffon
Le Professeur Jean-Marie Giffroy de la faculté Vétérinaire de Namur, étudiant les aptitudes sensorielles des carnivores domestiques, nous dira à propos de l’olfaction du chien quelques résultats de recherches faites par certains scientifiques. Comme il y a loin entre la connaissance de terrain et la connaissance de laboratoire ou livresque, même si certaines théories semblent s’appuyer sur des pseudo-expériences.
Que les passionnés de la piste, ceux qui piétinent dans la boue ou le gel, plusieurs fois par semaine pour entraîner veuillent bien leur pardonner.
Je cite le Professeur Giffroy “ les capacités de pistage ont été surtout étudiées par Budgett (1933, cité par Ewer, 1973). Il a montré qu’un chien non seulement peut suivre la piste d’une personne, mais qu’il continue à suivre celle-ci même si la personne se chausse de bottes en caoutchouc ou monte sur un vélo. Budgett attribue cette aptitude à la capacité du chien à suivre l’odeur de l’herbe écrasée, si l’odeur de départ est disparue, le chien suit la piste olfactive encore présente ”.
Bien sûr, qu’un chien peut suivre une personne chaussée de bottes (certains utilisateurs ont également cette idée reçue et ne tracent qu’en tennis même dans les labours les plus gras). En fait l’odeur de la personne est composée de centaines de molécules odorantes, issues, non seulement de ses pieds, mais de la composition de ses vêtements, de son produit après-rasage, de l’odeur du tabac si elle fume, de l’alcool si elle à bue, de ce que son corps secrète (glandes sébacées et sudoripares), etc. L’herbe écrasée entre également en ligne de compte, c’est son degré de décomposition naturelle qui permet en partie au chien d’avancer dans le bon sens. Mais sans les odeurs du corps il ne pourrait pas suivre la piste, sauf avec une formation très spéciale.
Toujours sous la plume du Professeur Giffroy on peut lire : “ Récemment trois groupes différents de chercheurs américains, sur la demande de Clubs de dressage, ont effectué une série d’expériences sur le sens du pistage (Morrisson 1980, cité par Mackenzie et Schultz, 1987, Schwartz, 1980 cité par Mac Mackenzie et al, 1987).
En effet, lorsqu’un chien aborde une piste, il peut la suivre dans le sens où elle a été tracée ou à contre-sens. Plusieurs ouvrages sur le dressage du chien et certains dresseurs connus prétendent qu’un chien de qualité suit toujours ou souvent la piste dans le sens où elle a été faite.
Un total de 52 chiens pisteurs confirmés, appartenant à 20 races différentes (surtout des Bergers Allemands, des Saint-Hubert et des Labradors) ont été testés. Une piste de 50, 100 ou 200 mètres (selon l’expérience) est faite par une personne et un objet touché par cette personne se trouve à chacune de ses extrémités. Le chien et son conducteur marchent contre le vent : ils abordent la piste à angle droit et en son milieu. Le conducteur ignore le sens de la piste. L’épreuve est réalisée 15 à 60 minutes après que la piste ait été tracée.
Les résultats ont fait l’objet d’un traitement statistique. La conclusion des trois groupes de recherche est identique : le chien suit la piste, au hasard, soit dans le sens correct soit à conte-sens. Les manuels de dressage se trompent donc quand ils prétendent que les chiens suivent une piste dans le sens correct.
Les auteurs ont également mis en évidence que le chien ne semble pas montrer une préférence pour tourner à gauche plutôt qu’à droite ou l’inverse ; tout au plus existe-t-il une préférence individuelle chez une faible proportion des chiens. ”
Je dois avouer que cette fois-ci je ne me suis plus contenté de sourire, mais que cela m’a fait éclater de rire. Comment peut-on oser affirmer que des personnes ayant une expérience de terrain quasi journalière du pistage se trompent, sans avoir soi même la moindre expérience de terrain et en se basant sur les affirmations des autres.
Pourtant la réponse est bien simple, il n’est même pas nécessaire de connaître le pistage, je dois dire, pour avoir observé les loups vivant à l’état sauvage depuis un grand nombre d’années, que cet ancêtre du chien serait mort depuis longtemps s’il poursuivait ses proies dans le sens contraire de leurs fuites. Je peux signaler au passage des expériences faites sur des loups imprégnés à l’homme avec un ami espagnol, sur l’apprentissage de la piste par la méthode alimentaire (viande traînée), que le loup est très doué en pistage et ne se trompe jamais de sens, même si on coupe la ligne de fuite en son milieu. Quant à la préférence pour tourner à droite ou à gauche, elle n’existe pas si le chien suit parfaitement son tracé. On peut néanmoins avoir des problèmes en concours avec un chien qui a été entraîné à plusieurs reprises d’affilée sur un tracé tournant à gauche, par exemple. Par conditionnement, le jour du concours il tournera à gauche au moment de la rupture du tracé, c’est pourquoi à l’entraînement il faut alterner les pistes avec des angles soit à gauche, soit à droite.
En ce qui concerne le sens de la piste, sur une ligne partant d’un point A à un point B, si le chien est amené au centre, avec vent ou sans vent, avec un vent latéral ou de face, 99 fois sur cent il prendra la bonne direction, c’est-à-dire qu’il suivra les particules odorantes les plus récentes, qui auront bien-entendu un gradient de plus en plus élevé au fur et à mesure qu’il se rapprochera de la personne. Sans parler de chiens adultes confirmés en pistage, avec seulement des chiots âgés de 5 semaines à 4 mois environ (puisque la méthode naturelle permet de débuter le pistage, dès l’époque du présevrage en faisant découvrir “ naturellement ” au chiot un tracé.)
On trace une ligne en traînant un os ou un bout de viande et on amène le chiot au bout d’une ficelle, comme si on le promenait, afin qu’il coupe le tracé par “ hasard ”. Dès qu’il remonte celui-ci, on donne le signal à mémoriser pour créer l’association avec le comportement “ cherche ”. Je dois dire que sur plus de 300 essais avec des races différentes, allant du Schipperke, au chien-loup de Saarloos, en passant par le Chihuahua et bien sûr tous les grands nez, parmi les chiens de chasse ou de berger, je n'ai rencontré que 5 ou 6 échecs (et encore dus en grande partie au stress chez des chiens souffrant de troubles du comportement).
Maintenant il faut savoir que l’on peut éduquer un chien à remonter une piste, de la partie la plus chaude à la partie la plus froide, c’est ce qu'on nomme les pisteurs anti-dromiques. Ces chiens peuvent avoir leur utilité pour retrouver le cadavre de la victime par exemple, alors qu’on vient d’arrêter un suspect. A partir de l’endroit ou l’assassin présumé a été appréhendé, on met le chien en pistage, celui-ci doit suivre ce tracé à l'envers. Il faut dire que cette éducation n'est pas naturelle pour le chien et s'apparente à certains dressages qui obligent le chien à aller à l'encontre de ses instincts (cirque, chien de police qui attaque une personne immobile qui n'a pas de geste de menace mais qui est armée, etc.).
Voir le livre de Joseph ORTEGA "LE FLAIR DU CHIEN"
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