De nombreux problèmes comportementaux du chien adulte viennent d'une mauvaise communication avec le maître à l'étape chiot. Il s'agit de respecter la maturation affective, physique et psychique de ce petit être vivant qui attend de savoir quelles sont les règles à suivre
Des étapes à respecter:
Dès la maturation du système nerveux le développement comportemental va se trouver à la merci des facteurs d'environnement, chaque sens va être sollicité afin de mobiliser l'extérieur et l'intérieur du corps et capter correctement les références à mémoriser. Les évènements ou l'absence d'évènements pendant la période sensible va influencer les façons de réagir du futur chien. De même que l'absence de congénères va donner un rejet avec fuite ou agression de son espèce. Dans ce cas, s'il ne voit pas d'autre chien entre 3 et 12 semaines, il risque de s'identifier à l'espèce qu'il aura côtoyer: humain, chat, brebis, ect. Le maître et l'éleveur se partagent donc la responsabilité du développement émotionnel et affectif dans cette phase de socialisation primaire. Certains comportements qui nous sont très gênants sont pourtant normaux. On peut prendre pour exemple les cris de détresse lors d'un isolement en milieu inconnu lorsque le maître vient d'acheter un chiot de 8 semaines, qui normalement vont disparaître en 1 ou 2 semaines (à moins que le maître cède et vienne soit le rassurer, soit le punir, ou pire l'emmener dans sa chambre!)
Une relation fusionnelle:
Le chiot va s'attacher au lieu où il vit (le biotope pour les louveteaux) et à sa mère (remplacée par le maître) afin de se protéger contre les prédateurs et les dangers extérieurs. Cette pulsion primaire d'attachement va quelquefois dans les deux sens et l'humain risque de devenir de manière inconsciente le père psychologique adoptant. Une relation anthropomorphique où l'animal devient un substitut d'enfant qui entraîne une attention presque permanente avec la crainte qu'il ne mange pas, qu'il soit malade, qu'il se fasse attaquer par un autre chien... Il est vrai que l'humain ne peut échapper à cette émotion archaïque de revivre sa propre enfance ou celle de ses enfants, à une responsabilisation face à ce petit être, abusant de holding (prendre dans les bras) et du handling (manipuler fréquemment).
Cette relation peut prendre quelquefois une dimension fantasmatique, on connaît le succès que peuvent avoir certaines races qui font rêver ( en caressant un Husky on se prend pour Jack London, dans la forêt, avec des loups) où qui permettent de compenser une frustration ( un molossoïde au faciès rébarbatif en impose aux autres humains, donc on se sent très fort). On peut même se laisser à penser que des standards de race sont orientés de manière inconsciente vers des caractères physiques se rapprochants de ceux du bébé humain, qui éveillent l'instinct maternel, comme d'ailleurs les poupées: face courte, front proéminent, joues rebondies.
Un chiot a besoin de communiquer ses besoins qui sont différents de ceux des humains, le maître doit pouvoir le "sentir" de l'intérieur, ressentir ce qu'il éprouve, se mettre à son rythme en se laissant porter vers lui... Est-ce qu'une louve suit des cours pour apprendre à s'occuper de ses louveteaux? Il faut apprendre à échanger des informations, sans se presser, le temps ne doit plus exister. Si vous regardez votre montre ou si vous considérez que vous n'avez que tant de minutes à lui consacrer, vous n'êtes plus dans la démarche éthologique. On s'assoit au milieu du jardin ou l'on se couche et on laisse venir le chiot. On peut même fermer les yeux et se laisser aller, s'abandonner totalement, se relaxer, quitte à s'endormir. C'est le début de la communication. La communication ce n'est pas dire "les chiens il faut les dresser comme ceci ou comme cela", c'est écouter l'autre, c'est-à-dire le chiot, en prenant en compte son individualité. Chaque chiot est différent, c'est ce que découvrent les maîtres qui ne retrouvent pas ce qu'ils avaient connu avec d'autres chiens.
N'oubliez pas que le chien a une psychologie d'animal de meute et il sait lire en vous comme dans un livre, en particulier les émotions, comme la peur, la colère ou la frustration. La manière de l'aborder, de lui parler, de le regarder, de le toucher va influer énormément sur les réponses qu'il donnera. Même un chiot décèle l'accent de vérité: ce que l'on dit et fait doit être en harmonie avec ce que l'on éprouve.
Savoir donner des repères:
Le chien comme l'humain est une espèce qui a besoin de se former pour apprendre à évoluer et à communiquer, il a besoin des parents et du groupe pour connaître les règles de vie. Contrairement au loup qui vivra avec ses parents et le clan jusqu'à environ 2 ans avant d'être autonome, le chien doit séjourner auprès des humains dès l'âge de 8 semaines sans jamais pouvoir les quitter, les considérant comme des congénères et leur adressant les mêmes messages. Toute carence dans la fonction hiérarchique obligatoire avec la mise en place d'interdits fermes et définitifs comme cela aurait eu lieu dans la nature, va mener à la délinquance. On peut aimer le chien, penser comme lui, partager des moments d'intense complicité, il doit pourtant demeurer un chien, un être qui doit intérioriser la notion d'autorité sans laquelle il ne pourra jamais être heureux en tant que canidé. Il n'est ni un jouet, ni un objet, ni un enfant, par contre vous êtes ses parents chiens.
Il faut lui imposer le respect des règles de la société dans laquelle il vit: les zones de la maisons qui sont interdites (chambre), le lieu de couchage, qui décide de l'heure des repas, qui décide du début du jeu et de la fin, qui passe en premier, etc. Celui qui n'a pas de limites vit dans l'angoisse, il n'agit que par pulsions, il ne peut se contrôler... Les règles ne doivent pas être floues, ambiguës, fluctuantes d'une personne à l'autre ou d'un jour à l'autre, mises en place sans conviction et sans détermination. Il suffit d'observer comment cela se passe chez les loups où les attitudes sont souvent théâtrales mais jamais accompagnées de douleurs ou de blessures ( sauf en espace confiné comme un parc ou un zoo). Un maître qui a besoin de punir souvent pour obtenir ce qu'il désire de son chien démontre que la position sociale n'est pas clairement définie. De l'instauration claire et immuable de la hiérarchie, sans heurt et sans violence,à travers de petits interdits, va naître la coopération avec la capacité d'écouter et d'obéir. Un chien heureux c'est celui qui vit dans une hiérarchie stable, il reconnaît l'autorité du dominant comme quelque chose de naturel, comme un équilibre vital du groupe. Frapper un chiot c'est montrer une absence de maîtrise de soi, montrer que la violence est le mode de communication qui devra être le sien plus tard, c'est grever lourdement les rapports de confiance futurs.
Il est vrai que quelques chiots arrivent déjà chez le maître avec la conviction qu'ils sont capables de diriger les autres puisque c'est ce qu'ils faisaient avec leurs frères et soeurs; ou plus certainement à la puberté où logiquement doit survenir la phase d'individualisation ce qui les obligent à tester l'autorité et l'ordre établi! La manière la plus intelligente de réagir est d'éviter le rapport de force et de dévier vers d'autres comportements à composante de jeu comme la balle. Avant de punir on doit se demander si on a bien fait passer le message de l'interdit -un chiot qui est passé par l'école des chiots dès l'age de 2 mois a été préparé à la dominance des maîtres. On doit essayer de comprendre les raisons de ces comportements déviants: réaction à un évènement familial (dispute-séparation-absence)? A un changement de milieu? La morsure et l'agressivité ne sont pas autre chose, souvent, que des signes de peur et d'angoisse.
Attention au chiot gâté, protégé, assisté, toutes choses qui vont lui donner une impression de toute puissance en présence des maîtres. Il sera asocial avec les autres chiens et les humains, quelquefois dangereux. Il faut que le maître lui apprenne le détachement pour le préparer sur le plan psychologique et physique.
On peut partager des moments de symbiose, une proximité relationnelle avec le chiot sans pour cela admettre l'égalité de statut hiérarchique.
Article publié dans la rubrique de Joseph ORTEGA "La psycho du Cyno" de la revue "Chiens Sans Laisse"
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