Entre Chien et Loup- Roman de Joseph ORTEGA

ENTRE CHIEN ET LOUP- Un roman qui raconte l'histoire d'un éthologue et les aventures qu'il va vivre avec ses chiens
et ses loups. Une histoire palpitante et instructive que
seuls ceux qui aiment les loups et les chiens peuvent
comprendre. Attention, émotion garantie!

La neige tombait en tourbillonnant depuis le matin. Le jour s’était éteint tout doucement. Le silence pesait dans cette atmosphère ouatée.

Tout à coup, un hurlement éclata, modulé et sauvage, dans la solitude blanche.

Jean grommela entre ses dents, avant de refermer la porte de l’abri. Un paquet de neige entra avec lui et quelques flocons se posèrent sur la fourrure sombre de la chienne.

Moune se mit sur le dos offrant son gros ventre à la caresse du maître. Sa queue battait joyeusement, faisant bruire la paille de sa couche. Depuis le matin, elle haletait très fort, grattait la paille, cherchant à faire un " nid " pour ses petits.

- Alors ma grande ! C’est pour bientôt ? Est -ce que ça bouge, là-dedans ?

Une main caressait le dos de la chienne tandis que l’autre tâtait d’une façon experte les flancs et le bas-ventre.

- Je crois que c’est bien pour ce soir, ma jolie. Je vais chercher le matériel.

L’homme remit ses gants de laine avant de sortir dans la bourrasque. S’il ne faisait pas chaud dans l’abri, dehors, c’était plutôt glacial.

Jean longea la clôture élevée, essayant d’apercevoir les loups mais ceux-ci devaient être bien au chaud dans leur tanière sous la neige.

A chaque pas, il enfonçait dans cette masse molle et épaisse qui alourdissait ses bottes. Parvenu au chalet, il secoua ses pieds et se déchaussa dans le vestibule.

Un magnifique chien de berger allemand, noir et feu était allongé près de la cheminée où une belle flamme crépitait.

- On est mieux ici, Varus. Non, reste couché. Je vais t’apporter ton repas. Mais d’abord, la piqûre.

La tête massive où brillait un regard intelligent suivit tous les mouvements du maître dans le laboratoire.
En voyant la seringue dans les mains de jean, il posa son museau et remua faiblement la queue. Avec un bref gémissement, il étala sa patte arrière gauche sur le panache de sa queue. Jean désinfecta soigneusement la peau sous le poil et la bourre épaisse de la cuisse, avant de piquer. Le liquide fut injecté lentement, le chien ne bougea pas, ne levant la tête que lorsque son maître eut terminé.

- Voilà mon gros, dit il en lui donnant une petite tape sur la croupe. Encore quelques jours et tu pourras gambader. Bon, il faut que te laisse seul pour ce soir. Je vais aider Moune à mettre au monde ses petits.

Jean sortit un sac de toile dans lequel il déposa une couverture, un thermos de thé brûlant, quelques sandwichs, sa trousse volumineuse contenant instruments et médicaments.

La maison se composait d’une grande salle de séjour où était étendu Varus, de deux chambres, d’une pièce bien éclairée par de larges fenêtres, baptisée « Laboratoire » et d’une modeste cuisine dont l’un des murs était entièrement occupé sur sa longueur par un congélateur.

Après avoir préparé le repas du chien avec des aliments déshydratés et des morceaux de viande, jean se rendit dans son laboratoire. Sur les deux murs disponibles étaient pendus une multitude de cadres entourant des photographies de chiens de berger allemand et de loups de tous âges. Dans un coin, un grand classeur était surmonté d’une série de coupes sportives alignées. Sur le grand bureau métallique qui trônait au milieu de la pièce, on voyait un amoncellement désordonné de papier et de livres, une antique machine à écrire et un fichier en bois. Sous les deux fenêtres formant l’angle opposé de la pièce, un plan de travail en carreaux de faïence s’étalait. Dans un coin, une série de boîtes métalliques s’alignaient parfaitement, toutes contenant des instruments de chirurgie. Près de la porte, une armoire vitrée était garnie de flacons, fioles et boîtes de médicaments de toutes sortes.

Après avoir consulté la fiche de Moune, jean retourna dans la cuisine pour chercher la gamelle de Varus qui refroidissait sur la table.

- Voilà ! Et tâche de manger, dit il en posant la gamelle près du chien.

Puis, il prit une boîte de médicaments pour en extraire deux capsules de couleur.

- Allez mon gros ! Il ouvrit largement la gueule du chien et déposa sur le fond de la langue les capsules, puis, refermant la mâchoire, il la tint surélevée jusqu’à ce que Varus eut dégluti.

- C’est bien. Maintenant, mange !

Il caressa la tête du chien, celui-ci, les yeux mi-clos poussa un soupir de satisfaction sous la main merveilleuse du maître.

A ce moment, le téléphone sonna de l’autre coté de la pièce.

Jean se leva et décrocha l’appareil.

- Allô ? Oui ! C’est moi. Ah ? Que vous arrive-t-il ? Hélas, je ne peux pas me déplacer car Moune doit mettre bas ce soir et comme c’est sa première portée, je ne peux pas l’abandonner…Bon écoutez-moi bien. D’après les symptômes que vous me décrivez, je pense que c’est un retournement d’estomac…depuis combien de temps ? Enfin, je vous l’ai dit cent fois ! On ne fait pas sauter un chien avant qu’il ait digéré. Vous êtes tous aussi têtus ! Vous ne pensez qu’à vous. Il fallait déclarer forfait au concours. Un chien met six à douze heures pour digérer. Bon…bon… Malheureusement, il n’y a pas grand-chose à faire. Il faudrait l’opérer immédiatement. Est-ce que le ventre est très gonflé ? Est-il conscient ? Alors voilà, faites-vous aider. Vous aller le prendre par les pattes de derrière et le secouer plusieurs fois. Ensuite, transportez-le rapidement chez mon collègue Dutour, place de l’Espagne. C’est tout ce que je peux faire pour vous. Attendez vous au pire, le retournement d’estomac est la hantise des utilisateurs. Allez, dépêchez vous de faire ce que je vous dit. Je viendrais samedi au Club. On se verra là-bas. Au revoir et bon courage.

Jean raccrocha en grognant. Ah ces jeunes ! Ah ces jeunes ! Ils ne pensent qu’aux applaudissements et aux coupes. Je vais leur passer un sacré savon, samedi. Ah mes gaillards !

Varus avait dressé les oreilles et tentait de se lever pour rejoindre son maître, ne comprenant pas contre qui cette colère était dirigée. Jean s’en aperçu et s’empressa auprès de son chien.

- Ce n’est rien, couché soit sage ! Voilà, maintenant il faut que j’aille assister à une naissance. A tout à l’heure, Varus !

Il caressa son chien et se vêtit pour sortir. Dans l’entrée, il chaussa ses bottes et, après un soupir, referma le col de sa veste sur sa barbe grisonnante.

A l’extérieur, la neige tombait drue et la température avait encore baissée. Il se hâta vers l’abri de rondins. Il ouvrit la porte et se précipita à l’intérieur. Moune frétillait de la queue, elle l’avait entendu sortir de la maison et se réjouissait de sa présence.

Tout en déballant son matériel, jean s’adressait à la chienne, lui donnant des nouvelles de Varus, des loups, de la maison, de n’importe quoi… Celle-ci, les yeux pétillant de tendresse, écoutait les oreilles à demi dressées, tournant autour du maître, observant chacun de ses gestes quand il plongeait la main dans le sac. Celui-ci s’en aperçu :

- Non ma fille, tu n’auras rien à manger…

La chienne semblait comprendre toutes les paroles du maître. Ses oreilles s’aplatirent quand elle enfouit sa truffe humide sous la main de jean. Depuis quelques jours, elle était inquiète, le suivant partout, comme pour implorer sa protection devant une catastrophe imminente.
Devant son anxiété, le maître était un réconfort, un apaisement. Celui-ci en avait conscience, et après avoir réparti son matériel sur la table grossière, il prit la tête de la chienne dans ses mains et la caressa longuement. Ensuite, il se leva pour changer la paille de la litière, afin qu’elle soit bien sèche. Après avoir rempli un seau d’eau, il l’appela. Il l’a prit par la croupe, releva la queue et entreprit de faire la toilette de l’abdomen et de la vulve, avec une éponge et du savon. Moune ne bougeait pas, les oreilles couchées, le corps détendu malgré les contractions douloureuses qu’elle ressentait par instant, dans son ventre.

Après l’avoir bien essuyée, il la fit coucher sur la paille pour une nouvelle palpation et l’examen au stéthoscope. Sa température était tombée à 37° depuis la veille. Il sentait les foetus descendre dans le bassin. Il entendait les cœurs battre sourdement, c’était à chaque fois un instant de grande joie pour lui malgré les trente années de médecine vétérinaire qu’il avait derrière lui…

Il dévora un sandwich au jambon, accompagné d’une tasse de thé, sous le regard intéressé de Moune. Au moment où il s’apprêtait a allumer sa pipe, la chienne se dressa en gémissant doucement. Tentant de se retourner. La perte des eaux l’avait surprise.

Allons ma fille, ce n’est rien, viens, couché, là.

Il la fit coucher à l’extrémité de la litière, pendant qu’il remplaçait la paille souillée.

Eh bien, il n’y a plus qu’à attendre, maintenant.

La chienne se coucha sur le côté, légèrement recroquevillée, dans la paille fraîche.

Il la caressa longuement, inspecta son arrière- train puis, après s’être lavé les mains, alluma sa pipe et s’assit sur une botte de paille. Il avait senti la contraction des muscles de l’abdomen sous ses doigts. L’accouchement allait avoir lieu bientôt. Il détendit son corps et au bout d’un moment, il somnolait, sa pipe éteinte dans la main…

Il avait beaucoup de soucis avec ses loups. Ses travaux sur leur comportement, s’ils l’avaient fait connaître comme l’un des meilleurs spécialistes, ne lui avaient pas pour autant rempli les poches… Au contraire ! Son compte en banque était plutôt à sec. La dernière traite du terrain, la viande des animaux, le renouvellement de la pharmacie dont la plupart des médicaments étaient périmés, le…

Tout à coup, il s’éveilla en sursaut.

Moune gémissait… tout en donnant des grands coups de langue à cinq petites boules noires alignées le long de son flanc.

- Diable ! Mais j’ai dormi pour du bon, s’écria Jean. C’est la première fois que je faillis à mon devoir ! Voyons ces petits monstres.

Il examina un à un les chiots qui avaient l’air en parfaite santé. Leur cordon ombilical était sectionné proprement.

- Mais, c’est très bien, Moune ! Tu as bien travaillé !

A ce moment, la chienne eut une nouvelle contraction et une masse sanguinolente apparut entre ses pattes arrière. Elle retroussa ses lèvres et, du bout des dents retira les membranes qui entouraient le chiot. Il s’était présenté tête et patte en avant, comme s' il plongeait dans la vie. A grands coups de langue, elle le nettoya de haut en bas, avant de cisailler de ses incisives le cordon ombilical.

Le mécanisme inné avait pris le relais, en dehors de toute domestication. L’homme n’existait plus, l’animal était à nouveau seul comme il y a des milliers d’années, lorsqu’il se suffisait, chassant, tuant, se perpétuant par instinct, pour la conservation de l’espèce. Sans avoir jamais appris, la chienne était capable de retrouver dans son patrimoine génétique une série de comportements adaptés à la circonstance, la mise bas.

Après une dernière contraction, elle expulsa le placenta qu’elle dévora sur le champ. Son absorption allait déclencher la montée laiteuse, si importante pour les six petits affamés qui fouissaient déjà dans le poil de la mère.

Jean observait avec attendrissement le tableau. Il s’était gardé d’intervenir, laissant à la mère toute l’initiative. Il se servit un gobelet de thé et nota sur son carnet les particularités de chaque chiot, en les prenant un à un dans les mains. Il y avait un mâle et cinq femelles, tous bien constitués, de couleur noire avec une petite tâche plus claire sur chaque patte. C’était une portée sur laquelle il comptait beaucoup pour débuter dans l’élevage de chien de berger allemand. Les loups, c’était terminé. Il avait pris la décision de cesser ses travaux après avoir placé toutes les bêtes chez d’autres chercheurs.

Mentalement, il fit la répartition ; il y avait deux mâles, de cinq ans, quatre femelles de deux, trois, six et sept ans. Il enverrait un couple chez un collègue espagnol qui possédait un vaste domaine de l’autre côté des Pyrénées, les autres iraient rejoindre leurs congénères dans un centre allemand. Oui, ils seront bien là-bas, et puis, j' irais les voir souvent, songeait-il.

Un gémissement attira son attention. La chienne le regardait avec dans les yeux une grande tendresse. Elle avait senti que son maître souffrait en silence et elle partageait sa tristesse. Il se secoua mentalement et se leva pour emplir une auge d’eau fraîche.

- Voilà, ma fille, tu me comprends, n’est-ce pas ? Maintenant, je vais pouvoir m’occuper de vous.

Pendant qu’elle buvait, il lui fit une piqûre d'un produit qui allait favoriser la vidange et l’involution utérine. La chienne lapa rapidement la totalité de l’eau et il dut aller en chercher. A son retour les chiots étaient agglutinés aux mamelles tétant vigoureusement avec des bruits de succion, pétrissant les glandes nourricières de leurs pattes antérieures.

- Bien, à présent je vais aller voir Varus.

En entendant le nom du chien, Moune émit un jappement joyeux battit de la queue. Jean entassa son matériel et s’habilla pour sortir, après avoir caressé les flancs de sa chienne.

La neige avait cessé de tomber. Le ciel, au-dessus des grands sapins, était zébré de rayures roses annonçant le matin. En longeant la clôture, il entendit un hurlement prolongé bientôt suivi par plusieurs autres et trois loups superbes émergèrent de la couverture de neige. Jean s’arrêta pour les attendre.

- Viens là, Bongo.

Le plus grand des loups s’accota contre la clôture, fixant l’homme de son regard ambré.

Il coucha ses oreilles et se laissa tomber sur le dos, la queue rabattue entre les cuisses, dans un geste de soumission. Jean passa sa main gantée à travers le grillage pour caresser le pelage fauve. La tête était plus grosse que celle d’un berger allemand, avec un profil légèrement concave, des yeux obliques et une gueule plus fendue, laissant voir les canines et les carnassières redoutables. Pendant que Bongo se roulait de plaisir sous la main de Jean, les deux femelles s’étaient rapprochées et se tenaient à quelques mètres, remuant faiblement leur queue. Elles étaient plus fines, avec des pattes longues et musclées. Elles auraient bien voulu s’approcher de l’homme mais la loi ancestrale ne permettait ce contact qu’au dominant. Jean s’éloigna pour se trouver en face de la plus proche femelle :

- Viens ma fille…

La louve se mit à ramper sur le ventre, avançant vers l’homme. Bongo se dressa brusquement et émit un sourd grognement. Ce grognement stoppa la progression de la louve et, son regard fixé sur le mâle, elle gémit en pointant le bout de sa langue.

Ce texte est le début du roman de joseph ORTEGA, pour en savoir la suite il suffit de le commander dans le site.

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