Hommage Chienne décédée!
"Comme elle était douce, comme elle était gentille,
Celle qui, lors en vie, reposait sur mon sein,
Partageant constamment mon sommeil et mon lit !
O quel malheur, Myia, que tu sois décédée !
Tu aboierais aussitôt en toute impudence,
Contre un rival couché auprès de ta maîtresse.
O quel malheur, Myia, que tu sois décédée !
Dès lors, à ton insu, retenue au sépulcre,
Tu ne peux ni gronder, ni me sauter dessus,
Tu n’as plus la joie de me mordre gentiment."
Catulle (environ 50 avant notre ère)
Autre épitaphe
"Le visage baigné de larmes, je t’ai porté, ma petite chienne, comme je l’ai fait avec plus de joie durant quinze ans.
Désormais, Patricè, tu ne me donneras donc plus mille baisers, et tu ne pourras plus, avec plaisir, te coucher sur
mon cou. Avec tristesse, je t’ai déposée dans la demeure de marbre à laquelle tu avais droit et je t’ai unie
définitivement à mes propres mânes. Tu étais dressée à imiter l’homme par des attitudes expressives : quel trésor
j’ai perdu, pauvre de moi ! Toi, douce Patricè, tu avais l’habitude de venir à ma table, de demander gentiment, sur
mes genoux, de la nourriture, tu étais habituée à lécher, de ta langue experte / rapide, la coupe, que souvent mes
mains ont tenu en l’air pour toi, à m’accueillir fatigué, de ta queue fréquemment joyeuse, et à me dire toutes sortes
de gentillesses par ton expression corporelle."
Epitaphe pour une chienne gauloise (Concha signifiait coquillage) morte en mettant au monde ses chiots:
" En Gaule je suis née, et Perle (Concha) était mon nom, un nom qui fut tiré des richesses de l'onde, un nom qui allait bien à ma beauté insigne. L'audace me faisait courir ici et là les sentes forestières, chasser, dans les vallons, les bêtes fauves hirsutes. Je ne supportais pas d'être tenue en laisse, et mon pelage blanc refusait du bâton l'inadmissible offense. J'étais sur les genoux du maître, de sa femme, et puis, lassée, j'allais sur un lit bien moelleux. Je savais m'exprimer mieux qu'il n'est ordinaire par ma face de chien et son muet langage. Mais jamais mes abois n'ont effrayé personne ! Maintenant, je suis morte, en donnant la lumière aux fils que je portais. Sous ce marbre exigu m'emprisonne la terre..."
Hommage à un petit chien bouledogue français par Maurice Maeterlinck "J'ai perdu ces jours-ci un petit bouledogue. Il venait d'accomplir le sixième mois de sa brève existence. Il n'a pas eu d'histoire. Ses yeux intelligents se sont ouverts pour regarder le monde et pour aimer les hommes, puis se sont refermés sur les secrets injustes de la mort (...)
Pelléas avait un grand front bombé et puissant, pareil à celui de Socrate ou de Verlaine et sous un petit nez noir et ramassé comme une affirmation mécontente, de larges babines pendantes et symétriques faisaient de sa tête une sorte de menace massive, obstinée, pensive et triangulaire. Il était beau comme un beau monstre naturel qui s'est strictement conformé aux lois de son espèce. Et quel sourire d'obligeance attentive, d'innocence incorruptible, de soumission affectueuse, de reconnaissance sans bornes et d'abandon total illuminait, à la moindre caresse, cet adorable masque de laideur ! D'où émanait-il, au juste, ce sourire ? Des yeux ingénus et attendris ? des oreilles dressées vers les paroles de l'homme ? du front qui se déridait pour comprendre et aimer, des quatre dents minuscules, blanches et débordantes, qui sur les lèvres noires rayonnaient d'allégresse, ou du tronçon de queue qui, brusquement coudé, selon la coutume de la race, s'évertuait à l'autre extrémité pour attester la joie intime et passionnée qui remplissait un petit être heureux de rencontrer une fois de plus la main et le regard du dieu auquel il se livrait ?"