EXPOSITION CANINE DE PARIS EN 1907

Les expositions données par la Société Centrale (*) sur la terrasse des Tuileries ne ressemblent à aucune autre, sinon aux précédentes. Le cadre, ainsi que l’emplacement sont absolument uniques et la façon dont sont comprises les installations est bien celle qu’il faut pour un séjour d’une huitaine de jours à la multitude de chiens de toutes races accourant à l’appel annuel. Il faut croire que la Société Centrale possède la tradition de la flûte enchantée et qu’elle a trouvé en M. Jules Boutroue (**) le musicien sachant tirer de l’instrument en question les sons enchanteurs. Car on peut se demander ce qui attire ces centaines de propriétaires de chiens de tous les coins de France, de Belgique et d’Allemagne. Certes, ce n’est pas l’appât du bénéfice à réaliser, car les prix en argent sont offerts avec une discrétion absolue et tous les amateurs savent d’avance qu’ici, s’il y a beaucoup d’appelés, il y a peu d’élus. Ailleurs, l’amour et l’attrait de la médaille a déjà fait son temps et la médaille même n’est nullement abondante ici. En dehors de Paris l’idée de devoir laisser ses chiens huit jours à l’exposition ferait jeter les hauts cris, même quand, comme ici, c’est la maison Spratt’s Patent qui est chargée de l’installation et de la nourriture des chiens.
C’est que Paris est Paris et que l’idée de passer quelques jours dans la ville lumière a de l’attrait pour chacun, fût-il atteint de neurasthénie aiguë !
Pourtant, cette année, le joli mois de mai, doublement charmant à Paris, s’est révélé frigide à l’excès et en réalité il a fait un froid de loup dont chacun et les toutous, logés à la belle étoile, se plaindront amèrement. Nous n’avons pas patiné, mais il s’en est fallu de peu que la neige tombée dans le Pas-de-Calais ne vint se mélanger aux grêlons tombant parfois en abondance à Paris. Le brave Boutroue en était tout soucieux : avoir commandé du soleil et recevoir de la grêle ! Décidément, on s’est trompé là-haut au sujet de la commande. Heureusement que chez le vaillant secrétaire de la Centrale tout est prévu, car de fortes toiles clôturant le fond des chenils du côté du vent servent de doublure au fond en tôle.
Le catalogue officiel, fort joli, ma foi, avec la gracieuse vignette en couleur de la couverture, représentant une charmante Parisienne conduisant en laisse deux loulous nains, renseigne 1.409 numéros, ce qui permet de conclure qu’il y avait ici 1.600 chiens présents, étant donné que les meutes comptent pour un seul numéro. Paris tiendra donc infailliblement le record du monde pour le nombre de chiens présents à une exposition canine. Mais Paris détiendra certainement le record au point de vue de la qualité, très inférieure pour certaines races, presque toujours mieux représentées, même à de toutes petites expositions. Ne citons à ce propos que les barzoïs et les collies, deux races que l’on devrait s’attendre à trouver représentées de façon supérieure dans une ville comme Paris.
Un autre record qui sera difficilement battu, c’est le nombre de visiteurs absolument profanes qu’attire cette exposition. Nulle part ailleurs on ne constate une absence aussi complète d’éducation canine. Et ne croyez pas que ce public vient ici pour s’instruire. Au contraire, trop souvent le pater familias se charge de donner un cours des plus fantaisiste à ses rejetons, appelant des briards des caniches non tondus et les beaucerons des manchester terriers. Et cela malgré que la Centrale ait fait afficher de manière hautement louable les noms des races dans les travées.
L’installation des chiens, maintenus libres dans des chenils spacieux et confortablement garnis de paille, ainsi qu’il convient à une exposition qui doit durer huit jours, était parfaite. Je ne puis m’empêcher de féliciter la maison Spratt’s Patent de la façon dont elle comprend l’hygiène et le confort des chiens. C’est elle aussi qui était chargée de la nourriture des animaux exposés. En reporter minutieux, j’ai voulu faire un tour à la cuisine. J’ai trouvé un local vaste, d’une propreté parfaite, où l’on préparait une pâtée vraiment appétissante. Je dois reconnaître que la maison Spratt’s Patent ne se contente pas seulement de fournir des biscuits de bonne qualité, elle tient encore à ce qu’ils soient servis aux chiens d’une façon irréprochable.
En parcourant les travées au moment de la soupe, j’ai surpris M. Devoisin, directeur de la maison de Paris, et M. Wiloockx, directeur de Londres du service des expositions de la firme, mêlés aux visiteurs. Ils surveillaient discrètement la distribution des pâtées et il m’a semblé qu’ils étaient satisfaits de voir la foule amusée par l’avidité avec laquelle les chiens absorbaient leur nourriture..... La désinfection était confiée à la Société française du Lysol, et on peut dire qu’il n’y avait pas de mauvaises odeurs. Mais le temps était froid et venteux et puis j’avoue avoir une légère préférence pour la Créoline Pearson, qui s’est fait chez nous en fort peu de temps une si belle réputation.
Une double attraction de l’exposition de Paris est fournie d’abord par les belles meutes qu’on a l’habitude d’exposer ici et ensuite par le « salon » des peintres et sculpteurs de sujets de chasse.
Sans aucun doute, l’exposition de Paris doit en grande partie son grand cachet aristocratique à la présence de nombreux veneurs qui se réunissent ici pendant la semaine canine. Ils sont facilement reconnaissables, ces adeptes du noble art de la vénerie, à leur façon de s’habiller et de se coiffer et c’est chaque année avec un sensible plaisir que je revois toutes ces mâles figures au teint hâlé.
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Tous les après-midi il y eut des concerts de trompes.
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Mardi après-midi, vers 2 heures, M. le président de la République A. Fallières a honoré l’exposition de sa visite. Il y est resté au moins deux heures, se faisant présenter les principaux propriétaires gagnants.
(Chasse et Pêche, 26 mai 1907)

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