Théophile Gautier a pris soin à son tour de d'écrire, dans son livre intitulé Caprices et zigzags, une de ces batailles qui se livraient à la barrière du Combat entre Belleville et La villette.
« Le théâtre, dit-il, représente une cour carrée assez vaste; le milieu est sablé, ratissé à peu près comme le cirque de Franconi; une bordure dépavage encadre cette arène, dont le point central est marqué par un anneau où on attache les bêtes fauves et où les chiens doivent se mesurer car les ours, les taureaux et les loups ne combattent pas entièrement libres, et la longueur de leur corde est calculée de manière à laisser tout autour un espace d'environ trois mètres. A l'angle de la cour on voit une petite porte basse; c'est par là que messieurs les chiens ont leur entrée d'une façon assez pittoresque ; un valet les apporte tout brandis par la queue, comme des bassinoires ou des casseroles.
« Le combat est ouvert par deux jeunes bull-dogs d'une férocité extraordinaire et d'une laideur monstrueuse. Dès qu'on les eut posés l'un en face de l'autre, ils partirent comme deux flèches, en poussant un hurlement furieux et plaintif et s'accrochèrent sans hésiter; ils se colletèrent assez longtemps, engloutissant tour à tour leurs grosse tête dans leurs énormes gueules et se déchirant le mufle à belles dents; de nombreux filets de sang rose rayaient leurs corps, et il ne serait probablement resté sur le champ de bataille que la dernière vertèbre de la queue des combattants, si la galerie, touchée du courage des héroïques bouledogues, ne fût intervenue et n'eût crié « Assez! Assez! » Tous les efforts qu'on fit pour les séparer furent superflus, et l'on fut obligé de leur brûler la queue avec un fer chaud, moyen extrême et efficace.
Combat contre un loup
« On fit alors sortir un loup, qui se mit à tourner en rond comme dans un manège ; à peine le chien désigné pour ce combat fut-il en présence du loup qu'il se précipita dessus avec rage. La lutte fut sérieuse et la fortune allait incertaine du loup au chien et du chien au loup; les deux bêtes se renversaient, se foulaient aux pieds, et se mordaient consciencieusement; tous deux étaient souillés de sang, d'écume, de poussière et de bave. Le loup avait pris le chien sous la gorge, mais le chien lui rongeait le dessus de la tête; le loup, outré de douleur et aveuglé par son sang, lâcha prise un instant; le chien, dégagé, fit un saut en arrière, et, s'élançant de nouveau, emporta un grand lambeau de chair de la cuisse de son adversaire. Ce qui ajoutait encore à l'intérêt de ce combat, c'étaient les cris et les gestes frénétiques du propriétaire du chien; il l'exhortait et lui adressait des conseils : » Saute-lui au cou, mords-le, ce gredin, ce brigand de loup! Le brave chien! Prends-le à l'oreille, mon petit, c'est plus sensible. Comment! Oh, tu te laisserais battre par un mauvais loup pelé, un loup galeux, éreinté, qui n'a que le souffle? Tu devrais faire qu'une bouchée d'une rosse pareille ! Allons, un bon coup de mâchoire et casse-lui les reins, bravo! >> C'était un homme de vingt-huit à trente ans, que le propriétaire du chien, et des plus curieux à examiner pendant cette lutte ; il trépignait, il se démenait, il hurlait, il écumait, il aboyait, il aurait lui-même sauté à la gorge du loup ci l'aurait déchire à belles dents comme un chien naturel.
« On fut forcé cependant de séparer les combattants, car l'avantage ne se déclarait pour aucun et le crépuscule commençait à tomber. »
Selon M. Révoil, tous les bouchers de Paris se donnaient le plaisir d'avoir un bouledogue qu'ils conduisaient le dimanche en champ clos, afin de lui faire coiffer un malheureux baudet qui n'en pouvait mais, et quelquefois un ours pelé à moitié épuisé par les chaînes, les coups de bâton et la mauvaise nourriture. A cette époque, on voyait encore de grands combats de chiens aux moulins de Montmartre; les chiens les plus célèbres étaient ceux d'un gentilhomme, surnommé le Squelette. Ils se nommaient Loubet. Un jour le Squelette paria que Loubet tiendrait plus longtemps que n'importe quel autre. M. Tony Revillon a conté cette anecdote : lord Seymour tint le pari, et vint à Montmartre avec King, le plus beau bull du Royaume-Uni. Il l’accrocha à l'une des ailes du moulin. « King, lui dit-il gravement, garde toi bien de lâcher prise ! » King obéit. « Mon Loubet, dit à son tour le Squelette, tu ne souffriras pas que la France soit battue par l'Angleterre? Va donc et tiens bon! » Loubet prit une autre aile entre ses crocs. Il faisait du vent : les ailes se mirent à tourner; les chiens balancés dans l'espace tournaient avec les ailes. Au bout de quarante-deux minutes, King tomba; Loubet tint bon une heure dix minutes, une heure et quart... Loubet tenait toujours, seulement on le vit se débattre. Après quatre-vingts minutes il ne bougeait plus. « Ici, Loubet! » lui cria le Squelette. Loubet resta suspendu; on s'approcha, il était mort! On voulut le détacher, ses crocs étaient plantés dans le bois.
Tony Revillon a décrit ces combats : « Le public, calme d'abord, s'anime par degré; on se presse, on se pousse, la foule fait un mouvement en avant, puis un mouvement en arrière, puis elle reprend son équilibre. Les regards brillent, les visages ont des expressions de colère et de défi. Les propriétaires des dogues frappent des poings contre les parois et s'enrouent à exciter les combattants. Les parieurs crient avec eux. Les chiens de l'assemblée, immobiles, effarés, flairent la bataille, peu à peu ils s'animent, ils aboient, ils vont pour s'élancer : « A bas! à bas! » Crient les maîtres. C'est un tumulte étrange, indescriptible. Dans l'arène le sang a rougi le sable. Les bouledogues s'acculent, s'élancent, attaquent tour à tour. La magie du mouvement met en relief, tantôt une patte qui se lève, tantôt une mâchoire qui s'ouvre. Les reins se creusent, les arrière-trains se tordent, les têtes se jettent de côté en montrant les dents. Enfin un des chiens vaincu halète sur la poussière; son flanc bat, son œil est éteint. Il s'agit de faire lâcher prise au vainqueur; le maître de ce dernier se penche et lui saisit la queue entre ses dents. Le chien grogne, il remue, mais il ne recule pas. Le maître alors de serrer les dents, de les serrer jusqu'à ce qu'un morceau de la queue lui reste à la bouche. Le dogue lâche prise alors et se met à hurler. Le public applaudit des mains, des pieds et de la voix. Parfois les deux chiens tombent morts en même temps. »
Voir tous les messages de: Joseph Ortega
Ajouter un commentaire
Vous devez être Connecté pour poster un commentaire.