LES MONTREURS DE LOUPS

« A d’autres moments, il arrachait les longues épines du poil de ses amis, car les loups souffrent terriblement des épines ».
« Les loups sont un peuple libre, dit père loup. Ils ne prennent d’ordres que du conseil supérieur du clan ». « La loi de la Jungle, qui n’ordonne rien sans raison, défend à toute bête de manger l’homme sauf lorsqu’elle tue pour montrer à ses enfants comment on tue ». Rudyard Kipling-Le livre de la jungle

Ils portent différents noms selon les régions : meneur de loup, meneux de loup, enclaveurs de loups (jeteur de sorts), charmeurs de loups, appeleurs de loups, serreux de loups, loutiers.

Les loups capturés jeunes, élevés par l’homme, étaient promenés dans les villages afin de recevoir des présents en nature (volailles, œufs, charcuterie, etc.). Une exploitation de la crainte au fond des campagnes. Dans la revue La Chasse illustrée de 1879, un article déclare qu’un homme « se servait d’un loup pour forcer l’aumône et rôdait dans les campagnes avec sa bête muselée et toujours affamée… Dans plusieurs fermes il avait menacé les habitants de les faire dévorer s’ils ne lui donnaient pas de l’argent ».

Selon J. Crespon (1844) : « le loup est susceptible de s’accoutumer à l’homme voire de s’apprivoiser. Il le suit même au milieu des villes populeuses ».

Les gens qui vivaient dans les bois étaient nombreux à cette époque, il s’agit souvent d’une population qui vit misérablement ou de personnes en marge de la société : bandits, soudards, bannis, mendiants, sorciers, ermites, bergers, pâtres, éleveurs de porcs (pour la glandée en novembre), bûcherons, sabotiers, mérandiers (pour la fabrication des tonneaux), tanneurs, scieurs de long, charbonniers, boisilleurs, charpentiers, charrons (pour fabriquer chariots, brouettes, etc.), chercheur de miel et de cire, forgerons, récolteur de fruits sauvages (Alise, pomme, poire, prunelle), peleurs d’écorce (pour tanner le cuir et les cordes), gemmeurs (pour la résine), briquetiers, plâtriers, rusquiers (pour le liège) moines défricheurs, gardes forestiers, chasseurs...

Ils connaissaient très bien les bêtes de la forêt et savaient pertinemment qu’ils n’avaient rien à craindre des loups, aussi lorsque les préfets annonçaient des primes intéressantes pour leur destruction, ils savaient s’y prendre.

Au printemps lorsque les louveteaux étaient nés, ils faisaient fuir la mère, la tuaient ou attendaient qu’elle soit parti chasser avec le groupe, pour s’en emparer et les emporter vivants ou assommés ou tués à coup de bâton (même les femmes et les enfants pratiquaient ceci).

Ensuite on avait le choix, se faire payer la prime pour chaque louveteau tué, les laisser grandir dans un endroit discret en forêt (cage, fosse) pour les tuer à l’âge adulte afin d’avoir une prime plus forte, ou encore les élever pour en faire des animaux imprégnés à l’homme qui pouvaient servir pour récolter de l’argent en tant que montreur de loup.

Jehan Vaquelin, en 1454, laboureur des environs de Rouen déclare : « d’avoir pris et déniché de dessous une vieille souche d’un gros arbre en une haute et épaisse touffe de genêts….cinq loups et deux louves, petits jeunes de cette année présente ».

En 1899, cela continue, voici comment la revue La Nature les décrits: « En Auvergne où il y a un grand nombre de loups, des chasseurs creusent des fosses et, lorsqu'ils sont parvenus à capturer l'un de ses animaux, ils le musèlent, lui mettent un collier et, le tenant par une chaîne, le promènent de village en village, l'exhibent dans les foires et dans les marchés. Ils perçoivent, en récompense de leur capture, soit des pièces d'argent, soit des denrées. La capture d'un loup équivaut pour ces chasseurs à une petite fortune, ce loup devient leur gagne-pain, aussi ils sont plein d'attention pour lui. Quelquefois ces loups, quand ils ont été pris jeunes, s'attachent à leur maître, lui obéissent et exécutent un certain nombre de tours tels que prendre une sébile dans leur gueule et faire la quête, sauter au-dessus d'un bâton, se rouler au commandement, se dresser debout et faire le beau, et enfin danser la bourrée. Pour faire danser son loup, le montreur chante, marque la cadence en frappant sur le sol de son bâton et en dansant lui même sur place et le loup, bientôt, par imitation porte le corps à droite et à gauche, se balance et semble danser. »

Autrefois, d'après le célèbre voyageur Chardin, elle était forte en faveur en Perse. Chardin raconte en effet qu'il vit à Tauris, en 1667, des loups dressés pour la danse. Le meneur de loups était sensé disposer de plusieurs moyens pour appeler les fauves : siffler, jouer d’un instrument de musique (cornemuse) d’une manière qui n’est pas « chrétienne », le conjurer en l’appelant et parfois même allumer un feu. Les loups surgissent alors de toute part et se rassemblent auprès de leur maître.

On les respecte, on les craint, on pense qu’ils ont des pouvoirs mystérieux, qu’ils ont des pactes avec le diable pour charmer les loups, en général dans les carrefours.

En Corrèze, par exemple on les nommait Enclaveurs de loups. Celui qui a des pouvoirs magiques supposés sur le loup, ils étaient censés faire obéir les loups ou leur interdire d'attaquer les bêtes des troupeaux en disant: "Tapa minaou, diable te gare, laisse cette bête, elle n'appartient ni à toi, ni à moi!" Une incantation qui "enclavait" le loup.

Dans la revue La Chasse illustrée de 1879, on signale qu'un homme nommé Criquetot " se servait d'un loup pour forcer l'aumône et rôdait dans les campagnes avec sa bête muselée et affamée... Dans plusieurs fermes, il avait menacé les habitants de les faire dévorer s'ils ne lui donnaient pas de l'argent". Ce triste individu fut arrêté.

Dans la forêt de Haye, en 1897, des paysans capturent un loup, lui crèvent les yeux et le promènent dans les rues de la ville. Selon P. Loevenbruck: "la pauvre bête était attachée à un chariot et ses persécuteurs tout fiers de leur exploit, quêtaient autour du véhicule".

« Les sonneurs cornemuseux passent pour savoir endormir les plus mauvaises bêtes, et mener, à nuitée, des bandes de loups par les chemins, comme d’autres mèneraient des ouilles aux champs » George Sand

« Une nuit dans la forêt de Châteauroux, deux hommes virent passer sous bois une grande troupe de loups. (…) Ils virent ces animaux s'arrêter à la porte de la hutte d'un bûcheron. Il sortit, leur parla dans une langue inconnue, se promena au milieu d'eux puis ils se dispersèrent sans lui avoir fait aucun mal » George Sand

« Le loup quoique féroce, est timide. Lorsqu’il tombe dans un piège, il est si fort et si longtemps épouvanté, qu’on peut ou le tuer sans qu’il se défende, ou le prendre vivant sans qu’il résiste ; on peut lui mettre un collier, l’enchaîner, le museler, le conduire ensuite partout où l’on veut sans qu’il ose donner le moindre signe de colère ou même de mécontentement » Buffon

On disait que s’il y avait une battue aux loups, le « loûtier » ou « serreux de loup » pouvait les garder à l’abri dans un endroit secret.

Contrairement à ce que certains affirment le loup peut être éduqué, en 1880 un dresseur allemand nommé Rudesindo Roché, se produisait au cirque avec un groupe de loups qu’il avait élevé, leur faisant faire des tours.

En 1932, nous dit Ragache, le loup est le moins cher des animaux de cirque il ne coute que 2400 francs (un ours vaut 25 000 francs). Au cirque Amar en 1950, on pouvait voir une meute de loups de Sibérie.

Selon la revue La Nature (1899), un article sur les montreurs de loups en auvergne : « Quelquefois ces loups, quand ils ont été pris jeunes, s’attachent à leur maître, lui obéissent et exécutent un certain nombre de tours tels que prendre une sébile danseur gueule et faire la quête, sauter au-dessus d’un bâton, se rouler au commandement, se dresser debout et faire le beau, et enfin danser la bourrée ».

De nombreux saints ont été qualifiés de « bergers des loups » : saint Pierre (Wurtemberg), Georges (Russie), Nicolas (Pologne), Gabriel, Michel. Le meneur de loups, s’il n’est un saint, ne peut donc être que sorcier.

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