La peur de l’humain inconnu chez le chien

Le phénomène de l’imprégnation

Un individu doit pouvoir connaître son espèce et celles avec qui il devra vivre plus tard, dès l’ouverture des yeux (vers la seconde semaine de vie), sinon plus tard il considérera ses congénères ou l’humain comme des dangers potentiels, il en aura peur, et donc présentera un risque de devenir dangereux. C’est donc l’éleveur qui est le premier concerné, il doit fournir au chiot des contacts multiples avec des congénères en dehors de la mère (si possible des races différentes), avec des humains de tous types :nourrissons, jeunes enfants, adolescents, adultes hommes et femmes, personnes déguisées, avec casque de moto intégral, qui boitent, qui sont dans un fauteuil roulant, etc. Parvenu chez son maître, le chiot devra fréquenter une bonne école du chiot où ces contacts seront entretenus (une des raisons qui m’ont poussé à inventer l’école des chiots).

Le terme de période sensible a été créé par Maria Montessori en se référant à la notion de maturation du système nerveux. Lorsqu’une fonction est arrivée à maturité comme la reconnaissance de l’espèce, il faut lui donner l’occasion de s’exercer, sinon elle risque de ne jamais parvenir à son épanouissement. L’expérience de la mère et des congénères ainsi que celle de l’homme « imprègne » toutes ses perceptions futures.
Les jeunes ne reconnaissent de manière innée, ni leurs parents, ni les partenaires sociaux vers lesquels s’orientent normalement leurs comportements filiaux, sociaux ou sexuels. Selon Boris Cyrulnik : « privé d’empreinte, il ne parvient plus à tisser de lien avec sa mère. Il ne la suit plus, répond mal à ses appels et est incapable de se synchroniser avec son objet d’empreinte. Il s’isole et cesse de se développer. Il se socialise mal, ne joue plus avec ses compagnons, les évite ou les agresse ».

Mise en évidence scientifiquement avec des oies en 1931 par K. Lorenz, mais depuis longtemps déjà les bergers la pratiquait, Darwin 1809-1882) nous raconte comment les bergers faisaient allaiter leurs chiots par des brebis à la terre de feu, afin que ceux-ci ayant subis une triple imprégnation, chiens/humains/brebis, considèrent le troupeau comme une espèce amie à défendre contre les prédateurs : « le système d’éducation consiste à séparer de bonne heure le jeune chien de sa mère, et à l’habituer au troupeau dont il aura la garde future. Trois ou quatre fois par jour, on fait téter le jeune animal à une brebis… ». C’est le principal mécanisme qui a conduit à la domestication du loup…

Un jeune ne sait pas à quelle espèce il appartient, il doit l’apprendre. Imprégnation et socialisation ne font qu’un. Il ne peut y avoir d’imprégnation en dehors de cette période, tout au plus un « apprivoisement » (le chiot n’ayant vu aucun humain pendant cette période correspond à un loup adulte que l’on a capturé et qu’on va « apprivoiser » en le nourrissant mais qui n’aura jamais les rapports d’un chien normal avec son maître. Voir le film « danse avec les loups » avec Kevin Costner).
On notera que l’imprégnation se réalisera même si les chiots sont traités avec indifférence et peu choyé, que ce soit par les autres chiens (imprégnation intraspécifique), ou par les humains (imprégnation interspécifique), pourvu qu’il soit en contact, seul son degré différera.

Ce phénomène de l’empreinte préprogrammé par l’organisme a été étudié chez diverses espèces animales.

- Premiers travaux sur l’imprégnation par Spalding en 1872
- Lorenz, Heinroth (1911), Tinbergen, sur la poule, le caneton, l’oie, le choucas, au sortir de l’œuf.
- Morin, Gingras chez le hamster doré
- Harlow chez le singe macaque
- Thoman, Arnold, hard, Larsson, chez le rat
- Karsh,turner, chez le chaton
- Scott, Fuller, Fox, chez le chiot
- Guiton, sur les poussins en 1959 (les poussins élevés ensemble s’imprègnent les uns aux autres)
- Gottlieb (1961), Landsberg (1970)
- Hess (1959), Bateson (1990)
- Thomson et Mesalk sur des chiens, montrent, que isolés à l’étape chiot, les chiens devenus adultes sont plus anxieux, émotifs et moins intelligents. Leurs relations sociales sont totalement perturbées, ces chiens occupant toujours la place de dominés par rapport aux chiens normaux. Les femelles refusent l’accouplement et si on les insémine, elles n’ont pas de comportement maternel et peuvent tuer les chiots

D’après mon expérience sur les loups, en particulier en Espagne où l’on a imprégné des louveteaux, je serais enclin à démarrer cette période d’imprégnation vers deux semaines, après l’ouverture des yeux et les premières réactions aux stimulations, y compris la capacité d’identifier les personnes.

Il y a une phase d’attraction (3ème à 5ème semaine) où il est attiré par tout ce qui bouge, objet ou être, il s’attachera à l’espèce qu’il voit (quelle qu’elle soit). Chez les canidés l’attachement se fait envers sa mère et sa fratrie. Un apprentissage qui persistera. Il y a des exemples de yorkshires allaités par une chatte, qui plus tard considéreront le chat comme leur espèce. C’est la période des espèces amies où il retient les caractères de celles qu’il rencontre, ne les craignant pas plus tard. On peut noter également que cette mémorisation aux caractères spécifiques peut être sélective, il ne faut pas oublier le polymorphisme des races canines. Par exemple un chiot whippet qui ne voit à l’élevage que des whippets, mémorisera les caractéristiques de sa race, mais s’il part de l’élevage après 3 mois, plus tard lorsqu’il rencontrera par exemple un briard, il risque de ne pas le reconnaître comme son espèce. Un chihuahua que l’on met dans une portée de chatons à 3 semaines, à 12 semaines il est désorienté si on le remet parmi ses frères de portée et recherche la compagnie des chats. D’autre part, l’imprégnation aux humains doit être généralisée, sinon elle peut s’avérer sélective, par exemple un élevage où il n’y a que des femmes pendant cette période, fera plus tard des chiots inhibés vis-à-vis des hommes s’ils partent après 3 mois. Chez les loups l’expérience a prouvé que les louveteaux, imprégnés à l’âge requis, se comporteront comme des chiens avec les personnes connues à cette période mais auront une distance de fuite envers les inconnus. La privation alimentaire augmentant le processus envers les personnes qui s’occupent de lui (un des principes de ma Méthode Naturelle).

l Une phase d’aversion (débute vers la 5ème semaine avec un pic entre la 8ème et la 9ème) où la crainte de l’inconnu (êtres ou objets) s’installe. C’est une période sensible. Une notion qui est répétée dans tous les ouvrages sans explication réelle, en fait, c’est le moment où les mères louves commencent à laisser les louveteaux dans la tanière pour aller chasser avec le groupe, donc il est normal qu’ils se méfient de tout ce qu’ils ne connaissent pas (une ombre c’est peut-être un grand-duc, un mouvement c’est peut être un ours, etc.). Cet instinct de survie a persisté chez nos chiens.

Pas de commentaire.

Ajouter un commentaire

Vous devez être Connecté pour poster un commentaire.