Il est aisé de se faire remarquer dans le domaine de l’éthologie des canidés, soit en possédant une expérience profonde sur le terrain, soit en prenant à contre-pied les connaissances sur le sujet qui sont pourtant largement admises par les spécialistes. Ce qui revient à dire « émettre des affirmations qui ne sont pas soutenues par une expérience vécue et concrète ».
Il semble que c’est la voie qu’a choisit Ray Coppinger pour se singulariser. Aujourd’hui où il y a pléthore de « spécialistes du comportement canin » qui n’ont pour la plupart que des connaissances théoriques souvent issues de lectures ou de cours par correspondance, il a trouvé auprès d’eux une oreille attentive. Pourquoi, car cela permet de contredire les acquis de l’éthologie, en le citant à tout propos. Ces affirmations qu’ils revendiquent permettent d’avoir un discours pseudo-scientifique et d’employer la dérision pour ceux qui ne pensent pas comme eux, tant il est vrai que moins on a d’expérience, plus on a besoin d’afficher un point de vue péremptoire.
Il faut savoir que beaucoup d’entre eux, lorsqu’ils ont à résoudre un problème de comportement chez un chien, ne veulent pas le voir et ne se rendent pas dans la famille où il vit, se contentant d’un interrogatoire des maîtres, masquant leur manque de connaissance derrière un vocabulaire issu de la psychologie ou de la psychiatrie humaine…
Quelqu’un qui a une bonne connaissance de terrain n’a pas besoin d’endormir son auditoire derrière des mots, ce qu’il dit il l’a vécu et constaté, et la réalité restera toujours son critère de valeur, même s’il a des savoirs éthologiques, neurobiologiques, ethnologiques, psychologiques, sociologiques.
Les maîtres attendent une solution rapide et efficace et non des mots.
On peut reprendre point par point les théories de Coppinger, mais on se contentera de répondre aux grandes lignes:
L’origine du chien serait une espèce de chien sauvage qui aurait disparue :
Actuellement il y a un consensus de tous les scientifiques pour dire que le chien vient du loup. Parmi les membres du genre Canis : coyote, chacal, loup, c’est ce dernier qui est désigné :
- Pour ses caractères morphologiques : (pigmentaires, proportions corporelles, squelette, parties molles, tête). Il faut tenir compte du polymorphisme (de 1 à 100) opéré par la main de l’homme. Il existe quelques différences qui sont affaire de spécialistes comme l’angle orbital qui est de 40 à 45° chez le loup et de 53 à 60° chez le chien, ou la taille de la carnassière (grosse molaire) qui est d’un tiers supérieure chez le loup. Les différences morphologiques évoquées par Coppinger sont tout simplement celles qui apparaissent lorsqu’on domestique une espèce : loup, sanglier, cheval…
- Pour ses caractères biochimiques : Groupe sanguin, protéines sériques, enzymes cellulaires et plasmatiques, etc. Ce qui permet d’établir une filiation phylogénétique du loup au chien.
- Pour ses caractères physiologiques :
Métabolisme basal, régulation thermique, répartition des glandes sébacées, pression artérielle, système nerveux et organes sensoriels, glandes endocrines, etc.
- Pour ses caractères pathologiques : Sensibilité aux mêmes affections.
- Pour ses caractères comportementaux : Sur 90 traits de caractère du loup on en trouve 70 chez le chien. On peut même faire remarquer que les instincts naturels persistent chez le chien malgré des centaines d’années de sélection par l’homme alors que la morphologie se transforme (certains caractères qui auraient été rédhibitoires en milieu naturel, sont favorisés). Certains instincts ne servent plus à rien mais sont toujours là, comme gratter et tourner en rond avant de se coucher, ce qui est compréhensible par moins de 50° dehors, mais dans un appartement surchauffé ?
- Enfin les preuves les plus récentes basées sur l’analyse de l’ADN mitochondrial, étudiées par Clutton-brock, Ostrander, Savolainen, Wayne, Vila… Qui ne donnent que 0 ,2% seulement de différence entre chien et loup.
Voici ce qu'ils disent pour se faire remarquer des gens plus ignorants qu'eux:
Le loup n’aboie pas :
Dans la nature on doit rester discret si on veut chasser ou échapper aux prédateurs. Le louveteau aboie comme le chien, il va s’initier progressivement aux hurlements avec les adultes, lors des chorales de la meute pour marquer le territoire et resserrer les liens du groupe. J'ai les enregistrements!
Les chiens de type primitif comme le Basenji n’aboient pas non plus.
Le loup est beaucoup moins rapide que le chien sur longue distance :
L’homme a fait des chiens spécialisés pour la poursuite en plaine comme le lévrier, le loup comme le berger allemand a une allure ample, souple, rasante, qui est économique, ce qui lui permet de poursuivre une proie beaucoup plus longtemps (il pratique également le relais).
Chez le jeune loup entre 4 et 12 mois, il y aurait des comportements émergents de recherche de nourriture qui n’existerait pas chez le chien :
Un chien qui est nourri et souvent gavé par les maîtres ne se préoccupe pas de recherche d’aliment, mais qu’on le laisse quelques jours à jeun et on retrouvera le loup. Ma Méthode Naturelle ne fonctionne d’ailleurs que sur ces mécanismes d’instinct primaire (liés à la survie), que l’on trouve chez tous les chiens.
Enfin, la théorie « de la dominance qui n’existe pas chez le chien ou le loup » :
Cette thèse soutenue également par Ian Dunbar est basée sur une interprétation différente et va jouer sur les mots.
La hiérarchie est une constante dans toutes les sociétés, elle permet l’organisation du groupe pour une meilleure survie. Sinon c’est l’incohérence et l’anarchie. Une finalité biologique qui limite l’apparition de conflits et offre la stabilité et la collaboration efficace. Une organisation hiérarchique stable qui est maintenue par de nombreuses interactions chez les espèces grégaires comme le loup. Il y a rarement de combats et ceux-ci sont ritualisés, je n’ai jamais constaté chez les loups qui vivent à l’état sauvage de blessures graves (ce qui n’est pas le cas chez ceux qui vivent en limitation de mouvements comme les parcs où les troubles du comportement sont nombreux). Blesser un congénère c’est diminuer le potentiel du groupe, donc de la survie.
Un dominant n’a pas besoin de faire montre d’agressivité pour être respecté, sauf si sa position est mise en doute, c'est-à-dire, qu’au lieu d’un comportement de soumission (apaisement), on lui oppose une menace. Telle que le regard fixe, l’exhibition des dents, le grondement… Cela peut se dérouler à proximité d’une source alimentaire, d’un lieu réservé au dominant, d’une femelle en chaleur.
Même dans ce cas, il s’agit d’un engagement ritualisé comme chez le cerf, ou le coq de bruyère qui se solde rarement par des blessures graves.
Ce qui engendre un résultat dominant/ subordonné obligatoirement, alors dire que c’est le dominé qui se soumet ou que c’est le dominant qui soumet, c’est la même chose.
Malgré les assertions de Coppinger ou Dunbar, le chien reste un loup dans son mental, je répète, même si sa morphologie en est très éloigné (pour certaines races). Ce n’est pas une extrapolation cavalière et si on a une bonne connaissance des chiens et des loups qui vivent à l’état sauvage on en est certain !
Il est évident que le chien a adapté ses comportements et sa manière de communiquer à l’homme, il développe, comme l’a démontré Eberhard Trumler, élève de K. Lorenz, une série de codes extrapolés de sa communication intra spécifique.
M. W. Fox, insistera sur les similitudes de comportement entre le chien et le loup.
L’homme comme le loup était un prédateur, ils avaient les mêmes structures sociales au départ, puis le loup est devenu le chien ce qui a exigé d’estomper les caractères négatifs de cette vie commune, comme par exemple, la peur de l’inconnu.
Le chien est un loup infantilisé (néoténie) qui a été débarrassé des contraintes de la survie, d’autre part il est amené à une proxémie avec l’humain qui lui est souvent préjudiciable. Son monde (Umvelt) est différent et moins on lui donne la possibilité d’exprimer ses comportements naturels, plus il a de problèmes.
Un chien de berger qui fait ses 50 km dans la journée autour du troupeau aura moins de problèmes comportementaux que celui qu’on sort une demi-heure en laisse dans son quartier !
Le chien a besoin d’une hiérarchie (du grec hieros « sacré » et archos « ordre » tout comme son ancêtre, sinon il est normal qu’il prenne le commandement dans la maison. Il suffit de faire comme chez les loups, aimer son chiot tout en le dirigeant, et savoir le détacher du maître au bon moment, vers 4 à 5 mois (j’ai pu observer chez les loups que les louveteaux sont d’abord allaités, puis nourris par régurgitation, ensuite par des morceaux de gibier ou d’une proie encore vivante mais blessée pour apprendre l’orientation de la morsure qui tue, donc qui permet de se nourrir par renforcement positif, que ce détachement se réalise de manière brutale. A un jour « J » celui qui était gâté par le groupe, a commencé à accompagner la meute lors d’une chasse à proximité du domaine vital, la proie est abattue, comme d’habitude il s’avance pour se nourrir en priorité, soudain son père le leader du groupe l’attrape par le museau en grognant de manière très spectaculaire mais non douloureuse. Le louveteau vient de recevoir la leçon qu’il aura à respecter toute sa vie, il devra tenir son rang hiérarchique ! Le maître n’a pas besoin de frapper pour s’imposer, il suffit de mettre des interdictions en place et un contrôle des espaces sacrés comme le lieu du repas (et le repas lui-même), le lieu du repos (fauteuil, chambre), le lieu du jeu en restant le maître du jeu (peut importe si le chien joue à tirailler le jouet, du moment qu’il cesse sur l’injonction du maître).
S’il faut intervenir, il faut le faire rapidement mais de manière incisive, comme chez les loups, c’est du théâtre pour impressionner psychologiquement, pas pour faire mal physiquement. Bien entendu il s’agit d’un chiot, si un adulte en est arrivé à agresser ou menacer son maître, c’est que l’on a commis beaucoup d’erreurs et il faut mettre alors en place un protocole pour récupérer la place de meneur que l’on a jamais eu ou que l’on a perdu, on aucun cas avoir recours à la punition directe sous peine de se faire mordre (ce qui serait logique selon l’éthologie des canidés qui veut qu’ un inférieur n’ait pas le droit d’agresser un supérieur …).
Rappelons la formule que se transmettent les chiens, de génération en génération, « tout ce qui n’est pas interdit est autorisé ».
Ceux qui disent qu’il ne faut pas déranger le chien qui grogne et montre les dents lorsqu’il mange, qu’il ne faut jamais le déranger lorsqu’il dort, qu’il ne faut jamais jouer à des jeux de traction, sont des maîtres qui n’ont aucun contrôle réel sur leur chien (s’ils en ont un) et manquent d’assurance vis-à-vis d’eux. Un vrai meneur connaît « par cœur » les membres de son groupe et on répond à ses signaux de manière naturelle.
La principale arme de l’éthologie n’est pas la connaissance livresque mais l’empathie afin de pénétrer le monde perceptif de l’autre espèce, ce qui amène à une meilleure compréhension.
On a pas attendu les auteurs anglo-saxons pour connaître les chiens et utiliser les méthodes dites positives, voici pour conclure un extrait de mon premier livre écrit en 1977 (avant l’invention de la Méthode Naturelle) : « Chaque fois qu’on brutalise un chien, on lui enlève du caractère et on en fait un instable, un anxieux qui hésite à obéir par crainte de commettre une erreur lui attirant les foudres de son dieu », ou dans mon dernier ouvrage traitant de l’obéissance par la Méthode Naturelle paru l’année dernière : « Il est évident qu’on peut tout lui demander, encore faut-il savoir le faire en le respectant et en lui faisant aimer ce que l’on désire de lui, il doit participer en étant avec son maître et non à côté de lui.
Le véritable conducteur doit être charismatique car la puissance du mental dominera toujours celle du physique avec laisse et collier. Ses outils, c’est la motivation, le renforcement positif, la coopération ; au lieu de décider, de contraindre, d’imposer… ».
Il reste à conseiller à ceux qui veulent émettre des théories de les avoir testées et confirmées sur le terrain avec plusieurs chiens, avant d’en faire une « vérité ».
« L’homme honorable commence par appliquer ce qu’il veut enseigner; ensuite il l’enseigne » Confucius
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