LA FORMATION DU CHIEN TRUFFIER

On trouve les mêmes principes de détection, en ce qui concerne la discrimination des odeurs et la volonté de recherche, la « recherche d’un foyer d’odeur à laquelle le chien est conditionné ».

Si l’on compare avec les autres formes de détection, cet apprentissage est un des plus aisés, étant donné l’arôme très puissant de la truffe. Il peut s’avérer très rapide avec certains chiens, surtout chez ceux qui sont sous alimentés, comme des chiens de ferme, lorsque je formais les chiens de cavage pour le lycée agricole de Cahors, quelquefois le conditionnement pouvait être obtenu en 1 heure !

Il est évident que les professionnels qui en ont fait leur métier diront que cette formation est très complexe, ceci afin d’augmenter le tarif de leurs prestations, n’hésitant pas à vendre des chiens « dressés au cavage », des sommes élevées. Comme les acheteurs, souvent propriétaires de truffières, ne connaissent pas grand-chose aux différentes formes d’éducation canine, ils paient le prix demandé. « Au royaume des aveugles les borgnes sont rois… ».

Par contre pour faire les concours de cavage de manière compétitive, le travail est plus complexe.

Qualités d’un chien truffier

Il doit être calme, obéissant, sous contrôle pour ne pas abimer les truffes découvertes, ne pas être distrait par les odeurs de gibier ou les bruits avoisinants (proximité d’une route, d’une voie ferrée, etc.), sociable avec les personnes étrangères (propriétaires du terrain, curieux, etc.) et les autres animaux (brebis, vaches, autre chien, etc.).

Il doit avoir de l’endurance et de la persévérance, car si en concours le temps de travail est limité, en recherche sur truffière naturelle il peut se prolonger sur plusieurs heures (la fatigue sensorielle intervenant au bout d’une demi-heure environ, il faudra prévoir des temps de repos), d’autre part cette recherche ayant lieu en hiver, quelquefois sur terre gelée ou sous la pluie, ce n’est pas très agréable pour les pattes, le nez ou le corps.

En général, toutes les qualités requises chez les chiens de recherche par le flair, dont la principale est la coopération avec le maître pour former une équipe soudée, sans contraintes d’une part comme de l’autre.

Si on évoque les races les plus adaptées, il faut quand même préciser que contrairement à ce que l’on voudrait nous faire accroire, il n’y a aucune race qui naît avec le gène de la recherche de truffe (ce que disent, par exemple les italiens avec le Lagotto Romagnolo), tous les chiens peuvent être formés sans problème s’ils sont normaux (curieux, gourmands, joueurs) !

Les méthodes

Il existe plusieurs méthodes dont quelques unes gardées jalousement secrètes (comme l’emplacement des truffières qui se transmettent de génération en génération), souvent relevant du folklore plutôt que de la réalité scientifique des lois d’apprentissage à la détection. Les deux se rejoignent quelquefois…

1) Par le goût de la truffe

Elle consiste à badigeonner les tétines de la mère de jus de truffe afin que les chiots soient sensibilisés dès la naissance à son goût, donc à son odeur. Des recherches scientifiques (Fox) ont prouvé que le chiot (qui a l’odorat dès la naissance) peu mémoriser des odeurs dès le 5ème jour de vie, par exemple de l’anis.

Plusieurs mois plus tard, alors que l’on a jamais renouveler l’opération, si on lui donne le choix entre plusieurs gamelles contenant la même nourriture avec dans l’une d’entre elles une goutte d’anis, c’est celle-ci qu’il choisira. Les fabricants d’aliments industriels savent bien que la référence alimentaire s’effectue très tôt, déjà à l’état de fœtus selon ce que mange la mère.

D’autre part, à l’époque de l’imprégnation à l’espèce (entre 2 et 7 semaines), les stimulations sensorielles sont mémorisées, surtout celles qui ont un rapport direct avec la survie : connaissance de l’odeur de la mère, de son espèce, du milieu, des espèces avec qui il devra vivre (homme, chats, chevaux, etc.).

Au moment du sevrage, le jus de truffe est mêlé à l’alimentation semi-liquide, puis les bouillies, enfin les aliments solides. Vers 2 ou 3 mois, il est mis à la recherche de truffes enfouies dans du sable ou de bouts de bois imprégnés d’arôme artificiel (Canitruf), dès qu’il gratte il est récompensé par un bout de fromage ou de saucisse.

1) Par imitation

Chez les canidés, espèce grégaire par excellence, dans la nature les jeunes apprennent à faire le choix dans le biotope où ils vivent, en observant les adultes et en les imitant. Les canidés sauvages savent compléter leur ration quotidienne en mangeant des fruits et des champignons comestibles.

On peut assimiler ceci à une « culture animale » qui est transmise de génération en génération, pour la survie de l’espèce. En suivant un adulte le jeune est poussé à imiter, ce que l’on nomme allélomimétisme. Cette particularité est utilisée par l’homme depuis toujours pour former ses chiens d’utilité à la chasse, au troupeau, etc.

C’est également une loi d’apprentissage que l’on nommera selon le cas « par imitation » ou « vicariant ». L’individu observé sert de modèle, si son action lui rapporte quelque chose d’agréable, l’observateur va mimer son comportement pour obtenir la même chose.

Dans cette méthode qui peut être complémentaire des deux autres, il faut employer un chien confirmé dans la détection de truffes qui servira de mentor au plus jeune.

Dans un premier temps on récompense avec ostentation le plus ancien à chaque marquage positif, sous l’œil du plus jeune qui peut observer mais non intervenir (attache à proximité ou tenu en laisse par une autre personne).

Si le jeune désire s’intéresser, on retient l’ancien et on laisse le novice s’activer, on doit l’encourager fortement. S’il pose le nez au bon endroit, on gratte on le félicitant, on lui fait sentir la truffe et on le récompense.

2) Par conditionnement selon la Méthode Naturelle

Une méthode très efficace qui marche avec tous les chiens quel que soit l’âge où ils débutent (dans notre élevage de bergers australiens, comme nous commençons l’éducation dès le sevrage vers 1 mois, si quelqu’un nous demande un chiot pour le cavage, à 2mois au moment où il doit partir chez son maître il sera prêt), basée sur les lois scientifiques d’apprentissage.

Il suffit de quelques minutes par jour pour que le chien comprenne ce que l’on attend de lui, surtout l’intérêt qu’il a à retrouver le précieux champignon.

On peut résumer cette formation en quelques phases simples :

- Fournir une motivation puissante, liée à la survie, donc aux instincts primaires (nourriture hors norme (viande, saucisse, fromage, etc.), surtout pas les croquettes habituelles !), ceci afin qu’il emploie toute son énergie à les rechercher dans le sol.

- Associer cette récompense avec l’odeur de la truffe qui sent nettement plus fort, dans le sol.

- Enfin, retrouver les truffes pour être récompensé de la main du maître.

Première phase- La folie de la recherche

On va utiliser des bouts saucisse, de viande, de fromage, de foie séché, que l’on enterre dans une terre meuble ou du sable à faible profondeur. Au début deux ou trois morceaux suffisent.

Pour certains chiens peu gourmands on utilisera des petits jouets qu’ils affectionnent (c’est toujours lié à la survie, c’est « l’instinct de proie ») que l’on cache d’abord sous des caisses en carton, un seau, des broussailles afin que le flair soit utilisé pour les retrouver, avant de les enterrer.

Le maître doit jouer le jeu et manifester de l’excitation à la recherche pour être imité par son chien, en flairant fortement, en incitant son chien. Pour les chiens peu motivés on peut également utiliser une autre loi d’apprentissage, la « privation », deux jours sans gamelle et mise à la recherche des friandises enterrées. Le chien est obligé de gratter pour trouver celles-ci.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le fait que ce soit le maître ou quelqu’un de la famille qui enterre les morceaux, n’a aucune importance, il s’agit de créer un conditionnement à la truffe selon la technique des approximations successives, au bout il ne restera que l’odeur à retrouver la plus puissante (ce qui n’est pas le cas dans l’identification de personnes).

Seconde phase- Association avec l’odeur à laquelle il doit être créancé

Cette fois on va mettre à côté de la friandise, la truffe ou un bout de bois imprégné de Canitruf, le chien va s’activer à retrouver ses récompenses, et sans le savoir il va associer les fragrances de truffe avec des choses très agréables.

Si jusqu’à présent on a joué sur la motivation forte, négligeant de le freiner ou de le brimer dans sa recherche, il faut commencer à pouvoir le contrôler à la recherche afin qu’il ne se déchaîne pas dans le grattage, car abimer les truffes est un défaut grave.

Pour cela l’obéissance joue un rôle avec l’apparition de la laisse, non pas pour contraindre mais pour limiter le champ exploratoire. Il peut également commencer à comprendre qu’il est dépendant de son maître pour obtenir sa friandise, ce qui l’incitera à un grattage mesuré.

Pour cela on peut enfermer le bout de truffe ou le bout de bois imprégné, avec la récompense dans des morceaux de tube PVC troués et bouchés à chaque extrémité, des petite boites trouées, des tubes de pellicules photographique troués, etc. Lorsqu’il fait un grattage correct, on déterre, on ouvre la boite et on offre la récompense en le félicitant. On peut enterrer nos leurres 2 ou 3 jours avant la recherche.

Troisième phase- Recherche de la truffe seule

Il a compris que s’il détectait l’odeur très puissante de la truffe il y aurait quelque chose de très intéressant pour lui, donc on ne va plus enterrer que des bouts de truffes ou de bois imprégnés.

A chaque découverte, après grattage, il doit s’asseoir calment et attendre que le maître déterre (on doit l’accoutumer à l’utilisation de l’outil de déterrage qu’on nomme selon les régions « cavadou », « piochon », « trufadou »), il est alors récompensé d’une friandise que le maître sort d’une pochette qu’il a à la ceinture et bien sur félicité.

On va modifier souvent les conditions de recherche en changeant de lieux (herbe, arbres, terre, buissons, etc.), afin de le préparer à la recherche réelle. On peut tester son degré d’apprentissage en faisant de faux enfouissements, terre remuée sans rien à l’intérieur (attention que les mains n’aient pas été en contact avec une truffe avant de procéder à ceux-ci), il ne doit pas gratter s’il n’y a rien à l’intérieur.

Quatrième phase- Recherche en situation

Le chien est prêt pour être opérationnel en truffière cultivée ou naturelle, il faudra veiller à ce que ces recherches ne soient pas trop longues ou trop fatigantes au début, par contre elles doivent être fructueuses sous peine de déconditionner notre chien truffier (on doit toujours emmener avec soit un bout de truffe ou de bois imprégné dans une boite étanche pour ne pas gêner le chien, si la quête est négative durant plus d’une demi-heure, on s’arrange pour cacher discrètement notre morceau pour qu’il le découvre et soit récompensé.

Canitruf

Pour préparer un chien si on ne dispose pas de truffes, si on veut l’éduquer en dehors de la saison ou si on veut préparer un chien dans une région où il n’y a pas de truffières naturelles ou cultivées, nous avons vu qu’il y a une possibilité, c’est l’usage du Canitruf, une huile végétale contenant des substances aromatiques identiques aux naturelles, commercialisé sous forme d’une boite métallique de 80 ml depuis 1988 par la société Trufarome.

La manière de l’utiliser est simple, on prend un bocal hermétique dans lequel on dépose des petits bouts de bois de 5 cm environ et on verse l’huile, après avoir bien remué on laisse reposer quelques jours afin qu’ils s’imprègnent de cet arôme synthétique. Je dois dire que c’est très efficace, tous nos chiens participant aux concours de cavage ou éduqués à la recherche de la truffe naturelle sont préparés ainsi.

Voir le livre de Joseph ORTEGA "Le Flair du chien-Pistage et Détection", en vente dans ce site

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