Je lance cette idée d'une recherche de personnes disparues afin de sauver des vies humaines en 1983 dans la revue "Sans Laisse" N° 60. Un projet qui avait soulevé nombre de polémiques auprès des compétiteurs, inquiets de voir apparaître une forme tout à fait inconnue de pistage.
Pourtant mon texte de l’époque était clair, il commençait ainsi : « le pistage pratique ne doit en aucun cas être confondu avec le pistage de concours. Le seul point commun est l’utilisation du flair d’un chien pour retrouver une personne disparue. ». On peut encore retrouver mes croquis, représentant les types de piste sur 3 niveaux, qui ont été repris dans nombre de livres qui évoquent le pistage utilitaire.
C'était un bon point pour la SCC, cette vieille dame qui se trouve quelquefois dépassée par les événements; les chiens de recherche utilitaire comme les chiens d'avalanche ou de catastrophe rehaussent l'image de marque des canidés domestiques auprès du grand public. Cette fois, plus rien à voir ni de près, ni de loin, avec les concours, le but n'a plus qu'une motivation humanitaire "sauver un individu en danger", le seul mobile qui pousse à travailler son chien en prenant sur son temps de loisir, sur le budget familial, sur son temps de sommeil…
Ces épreuves nécessitent donc une préparation spéciale de la part du maître qui a toute latitude d'action au cours de la recherche, et du chien qui doit, d'une part être très endurant physiquement et psychiquement, et d'autre part, être capable d'initiative lors des innombrables difficultés qui se présentent. Au cours de la préparation de la recherche le conducteur apprend à jouer avec les différents paramètres: l'enquête de départ pour déterminer le portrait type du fugitif et sa direction présumée, l'utilisation intelligente de l'indice olfactif de référence au départ et lors de difficultés, le délai d'intervention augmenté progressivement.
Celle-ci va séduire quelques juges de pistage français, en particulier Pierre Roby, passionné de pistage, qui me propose une réunion dans son club le Cercle Cynophile Deauvillais les 15 et 16 septembre 1984.
Je dois expliquer mon objectif d'un pistage qui n'a rien à voir avec la compétition devant des juges très spécialisés en concours: Pierre Roby, Lucien Jacob, Marcel Lacarrière, Jacques Bouteloup.
Les discussions sont très agitées, je dois même intervenir pour calmer les débats à la demande de Mme Bouteloup.
Un premier règlement apparaît le 18 juin 1986 et j'organise des épreuves en Midi-Côte d'Azur à Vitrolles avec les meilleurs spécialistes en mars 1987, jugées par Jacques Bouteloup (deux fois champion de pistage français avec son Groenendael Flic des Aravis).
Les terrains étaient en zone semi-urbaine, avec des difficultés variées: traversée d'une voie ferrée inutilisée, chemins de terre, route goudronnée à faible circulation, ruisseau, passer dans une décharge publique (à l'époque pas de déchetteries), passage au milieu de villas, traverser un pré avec un troupeau de moutons, etc.
Les traceurs ne sont pas des habitués des concours de pistage, bien au contraire, car il faut qu'ils conservent une attitude naturelle; si l'on prend l'exemple du fossé de faible profondeur à franchir: le traceur de concours va descendre pas à pas et remonter de même de l'autre côté du fossé, alors que le traceur naturel va sauter le plus loin possible de l'autre côté (ce que ferait quelqu'un qui s'enfuit). Il faut des accompagnateurs à proximité du chien et du juge afin de se rapprocher du travail réel où, parents, gendarmes, policiers, suivent.
Je ne peux pas y participer car je suis l'organisateur et passe un assessorat pour être juge de ces épreuves.
Les participants étaient: Philippe Blondel du club de Volx avec son Briard Targuy du Mas de la Raberyne, Michèle Dhume du club de Montluçon avec son Groenendael Schuss de Mavournen, Jean-Pierre Estampes du club de Velaux avec son Berger Allemand Pacha d'Orchardland, Patrick Villardry du club de Mougins avec son Berger Allemand Rancho de la Résidence du Pic du Midi, André Navaro du Club de Lyon avec son Berger Allemand Polo d'Echalon.
Un seul chien va parvenir au bout et désigner le traceur, Tex des Terres de la Merlaude, conduit par Patrick Erola, un Rottweiler de notre club, le "Cercle Canin Provençal": départ dans une zone inondée, passage sur un chemin de terre, traverser une décharge publique remplie de détritus et d'aliments avariés, traversée d'un ruisseau, de buissons épineux, identification du traceur dans un buisson au pied d'un arbre.
Hélas, ce qui devait arriver arriva, les juges conditionnés par les concours allaient demander des règles pour noter ainsi qu'un pointage des objets, ce qui n'a rien à voir avec l'utilitaire où ce qui compte, ce n'est pas la tenue de piste ou la désignation d'objet, mais de retrouver la personne en danger de mort le plus vite possible (par exemple une personne souffrant d'Alzheimer qui se perd en hiver vêtue d'un pyjama, si la température est basse elle risque de mourir d'hypothermie!). Ce qui me fit abandonner ce projet que j'avais créé ainsi que ma demande de juge pour ces épreuves…
De nos jours, la recherche utilitaire se composent de différents degrés : le brevet sur 1 km, sur un tracé d’1h, 30 de froide. La classe 1 sur 1,2 à 1, 5 km, sur un tracé de 2 h de froide. La classe 2 sur 1,8 à 2km, sur un tracé de 2h 30 de froide. La classe 3 sur 2,2 à 2,5 km, sur un tracé de 4h de froide.
LE VRAI PISTAGE UTILITAIRE
La piste utilitaire
Le chien de recherche a une formation humanitaire la plupart du temps, il s’agit en effet de retrouver le plus vite possible la personne qui a disparue et qui peut être en danger de mort.
Imaginons qu’une personne ait un accident sur l’autoroute en plein hiver par des températures au dessous de 10°C. Dans sa voiture le chauffage fonctionnait et elle s’était mise à l’aise ne portant qu’une chemise.
Lors du choc le traumatisme est tel qu’elle perd la notion du monde qui l’entoure. De manière totalement inconsciente elle va se relever de l’amas de ferraille qu’est devenue la voiture et insensible au froid ,elle va se mettre à marcher droit devant elle, sans but, pendant des kilomètres.
Il est évident que le délai d’intervention est essentiel pour la sauver rapidement, sinon c’est la mort assurée par hypothermie.
Dans le cas d’un enfant qui fait une fugue il en va de même, surtout dans des zones à risque avec rivière, trou de mine, carrières, etc.
On comprend pourquoi il importe peu que le chien ait le nez au sol ou pas, qu’il galope ou avance en zigzag, qu’il ne désigne pas ou ne ramasse pas les objets perdus par la personne, l‘essentiel c’est de retrouver celle-ci dans les plus bref délai.
Lorsqu’il s’agit de la police ou de la gendarmerie le fait de découvrir les objets perdus par un criminel peut être important pour l’enquête, mais nous entrons dans un autre type de recherche où la personne que l’on doit retrouver peut éventuellement être dangereuse.
On peut dire que c’est la formation la plus difficile qu’il soit pour un chien, et il faut compter pas moins de 4 à 5 ans de travail quasi quotidien, pour obtenir un chien opérationnel, pouvant intervenir dans des conditions extrêmes et sur les terrains les plus difficiles (pistage en pleine ville sur le bitume).
Dans cette forme de pistage, plus qu’en concours, les conditions de départ et de travail vont jouer pour influencer les résultats, et le maître comme le chien, doivent posséder un bagage d’expérience certain.
Pour donner un ordre d’idée de la difficulté, on peut dire que si pour former un chien en piste concours il faut à peu près deux ans, en piste utilitaire, il faudra quatre ans.
Personnellement, je pense que pour ce type de pistage, les chiens comme les maîtres doivent être des spécialistes de leur région, qu’ils doivent avoir appris à connaître avec leurs particularités et leurs zones dangereuses.
Pour le chien il en va de même et il est incompréhensible qu’on envoie en recherche à Marseille un chien de Chambéry ou le contraire.
Rappelons nous que le délai d’intervention est primordial, il s’agit là d’une personne qui peut être en danger de mort et non d’un objet déposé ou d’un traceur qui attend le chien.
DEPART DE PISTE
RECHERCHE UTILITAIRE
Pour la mise au travail, il s’agit bien sûr d’un cas relevant de la solidarité civique ; en aucun cas, on ne doit se substituer aux services de police. D’autre part, il est inadmissible qu’un civil mette sa vie en danger et celle de son chien pour la recherche d’un malfaiteur ou d’un criminel ; la gendarmerie et la police ont des chiens spécialement entraînés dans ce sens.
Tous les utilisateurs doivent être solidaires pour réserver leurs services uniquement à la recherche d’individu présumés non dangereux.
PREVENTION POUR UN BON TRAVAIL
Les municipalités et les services de police devraient avoir une information au niveau national par les médias ou de façon officielle, donner une bonne information à la population afin que celle-ci réagisse de manière à ne pas gêner le travail du chien, en piétinant inutilement les zones de départ pour le recherche, et en ayant le bon réflexe de faire appel le plus vite possible aux équipes cynophiles, limitant ainsi le délai d’intervention.
Pour en savoir plus, le livre de Joseph ORTEGA "Le flair du chien - Pistage et détection", en vente sur le site.
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