La conduite d’un chien, son apprentissage, répond à des règles qui ne sont pas empiriques, sans pour cela dénigrer le rôle de l’expérience sur le terrain, ces règles ont été mis en évidence de manière scientifique.
Le conditionnement de type pavlovien consiste à obtenir chez un sujet une réponse à un stimulus (les traces d’une personne) alors que celui-ci n’évoquait auparavant aucune réponse (stimulus dit neutre), après un certain nombre d’association avec un stimulus (friandise) qui était, lui, inducteur de la réponse (stimulus dit inconditionnel).
Selon le conditionnement Skinnerien, tout acte qui est suivi d’une récompense à tendance à se reproduire et à s’amplifier, plus la récompense est forte pour le sujet en question, plus le comportement est proche de la perfection recherchée. Après une période de privation (pas de gamelle la veille et le matin de l’entraînement), la faim (motivation issue des instincts primaires de survie) est provoquée par la déplétion du système digestif et par l’évolution de la concentration sanguine de plusieurs substances (glucose, insuline, endorphines). On peut éventuellement se livrer à un test de préférence (choix multiple), en présentant au chien plusieurs types d’aliments, pour connaître celui auquel il répond le mieux : viande, fromage, saucisse, foie, etc.
Le comportement alimentaire varie donc, selon le moment où il a été alimenté la dernière fois, selon les modifications de son état interne, mais aussi selon les stimuli externes en présence. Il est évident que les friandises déposées doivent être hors-norme pour mobiliser (les croquettes habituelles n’ont pas une valence suffisante pour la plupart des sujets). Avec un chiot, on ne donne pas la gamelle la veille et on fait la piste le lendemain matin. Avec un adulte on peut jouer sur un état de privation de 2 ou 3 jours en cas de manque de motivation (les loups peuvent jeûner une semaine).
- Les morceaux déposés doivent être de petite taille pour être avalés immédiatement, avec recherche immédiate du suivant et ainsi de suite. .. Il doit avancer d’une manière régulière. S’il en passe, on ne le tire pas en arrière, cela n’a aucune importance, il commence à comprendre que la partie intéressante est en aval.
- Ils ne doivent pas coller au sol (viande fraîche).
- Le choix de la friandise ne revient pas au maître mais au chien, il est évident qu’on ne travaille pas avec les croquettes qu’il a tous les jours dans sa gamelle mais avec quelque chose de beaucoup plus appétant. Selon le chien se sera de la saucisse, du fromage, du foie séché…
- Ils ne doivent pas être trop éloignés l’un de l’autre, au début de l’apprentissage, pour qu’il apprenne à garder le nez au sol. A l’arrivée il y a toujours une petite boite (genre Tupperware avec des trous) qui contient plusieurs morceaux. Il faudra veiller à la recouvrir d’une touffe d’herbe pour ne pas que le chien la repère de loin et fonce dessus négligeant la piste.
- On peut les placer entre les pieds qui traînent sur le sol, ou en donnant un coup de talon pour déposer (terrain meuble). N’oublions pas que l’objectif c’est qu’il fasse l’association entre les traces d’une personne et quelque chose d’agréable. Avec certains chiens un peu distraits on peut ajouter aux morceaux déposés, un os que l’on traîne entre ses jambes avec une ficelle, pour renforcer l’odeur.
- Le terrain de travail est choisi pour que les morceaux soient trouvés immédiatement, au début il peut également utiliser la vue (terrain avec herbe rase). Il est même possible de commencer l’apprentissage sur des terrains sablonneux et humides, en marquant chaque pas avec force pour créer une dépression de terrain et déposer la friandise dedans. Si vous avez la possibilité de tels terrains (par exemple dans les landes), et si vous avez la patience de travailler de cette manière, vous obtenez plus tard en pistage un chien qui pose son nez dans chaque pas : droite, gauche, gauche, droite… le top en tenue de piste de concours.
- Si vous destinez votre chiot à la haute compétition (et si vous disposez d’assez de temps), partant du principe du renforcement naturel par la nourriture, vous pouvez pousser celui-ci jusqu’au bout. Aucune gamelle n’est donnée à la maison, on divise la ration en 3 ou 4 parts que le chiot aura en faisant autant de pistes par jour, une partie sur le tracé, le reste à l’arrivée. Ainsi au bout de 6 mois, vous avez un expert pour suivre le tracé odorant…
- Le départ de piste doit être parfaitement assimilé, il n’est pas question d’avoir un chien qui se précipite sur le tracé. Pour le conditionner on gardera l’habitude à l’entraînement de frotter le piquet de départ avec la friandise, de déposer un morceau ou de le coller sur celui-ci. Plus tard en concours, il aura un départ excellent car il reniflera le piquet de bas en haut avant de prendre posément le départ de piste. Pour les premières pistes le maître doit s’impliquer psychologiquement et physiquement en jouant le jeu, les louveteaux apprennent en imitant les adultes, il doit si nécessaire se mettre à renifler le piquet et le sol de manière démonstrative pour que le chiot fasse pareil et trouve le morceau du piquet et les premiers qui sont déposés sur la piste.
- Pour amener le chien à la piste, il doit être tenu la tête haute à l’aide du collier, ce n’est qu’en arrivant au piquet qu’en relâche celui-ci et qu’on l’incite à chercher l’odeur d’identité olfactive sur le piquet.
- On peut éventuellement commencer à utiliser un harnais, qui participe, comme le fait de lever la tête du chien, à un futur rituel qui prépare au travail de piste pour plus tard.
- Pour ces pistes d’initiation la longe de 10m n’est pas nécessaire on prend une simple ficelle de 3m environ (surtout pas une laisse qui est associée à la promenade, nez en l’air), afin d’être plus prêt de lui pour l’encourager et participer à la traque du « gibier » dans l’esprit de la meute. D’autre part en cas d’écart, celui-ci sera limité, afin de d’éviter de créer une mauvaise habitude. Il est même conseillé, pour les pistes d’initiation d’un chiot, de marcher une jambe de chaque côté de son arrière train en le tenant très court, ceci pour préparer le conditionnement à la tenue de piste (jamais d’écart).
- La fin de piste ou arrivée, elle doit toujours être symbolisée par quelque chose de plus important (mais non visible à distance) que ce qu’il a sur la piste.
- La longueur de la piste peut varier d’un sujet à l’autre, en théorie on commence par une vingtaine de mètres chez un chiot de 2 mois, ensuite on augmente progressivement jusqu’à parvenir à une centaine de mètres, toujours en ligne droite.
- La forme de la piste va évoluer pour parvenir aux fameux angles de concours (droit, aigu, oméga), toujours en théorie, on attend qu’il sache faire une centaine de mètres parfaitement avant de commencer des sinusoïdes, des « s » très arrondis au début, qui vont progressivement se transformer en angles droits, puis en angles aigus
- Le sevrage alimentaire devra bien arriver un jour, il faut qu’il apprenne à suivre une piste sans pour cela recevoir des récompenses (il n’en aura pas en compétition), ce qui signifie qu’il faut suivre les règles scientifiques de l’apprentissage :
1) phase systématique : c’est le début de l’éducation, il a un morceau à chaque pas. Selon l’individu il faut compter entre 10 et 30 séances. On va encore piétiner un tabou des pisteurs classiques, on disant que si le chien est passé sur plusieurs morceaux (en aucun cas on ne doit le contraindre à le faire, le but c’est de donner la passion du tracé), on fait une boucle après l’arrivée et on le remet au départ pour qu’il repasse sur sa piste (on peut également faire venir un chien débutant qui est à la phase intermittente). Ce qu’il ne faut pas permettre, c’est à un chien de reprendre sa piste à l’envers, un grave défaut plus tard, sauf pour les chiens antidromiques spécialement préparés.
2) phase intermittente : il a un morceau tous les pas, puis tous les deux pas, puis tous les trois pas, etc. Pour chaque phase on compte une dizaine de séances, jusqu’à parvenir à un morceau au départ, un morceau au milieu de la ligne, un morceau à l’arrivée.
3) phase aléatoire : nous avons maintenant un chien confirmé en pistage, apte à faire une centaine de mètres sans décoller le nez du sol et à allure régulière (certains maîtres sont gênés lors de la phase systématique car le chiot s’arrête à chaque morceau ou revient en arrière ramasser celui qu’il a passé, cela n’a aucune importance, on va le constater lors de la phase aléatoire car lorsqu’il n’y a rien il avance de manière régulière). Maintenant il peut toujours y avoir un ou deux morceaux sur le tracé mais déposés à chaque fois à des endroits différents.
4) Phase différée : de temps en temps on mettra le chien en situation de concours, en ne mettant plus rien sur le tracé (si le départ n’est pas encore parfait on peut continuer à déposer ou coller sur le piquet), par contre il aura sa récompense à l’arrivée en découvrant la boite magique.
5) Exemple de progression
Il ne faut pas être pressé en pistage, chaque phase est décomposée afin d’être parfaitement assimilée, les principaux défauts que l’on rencontre chez les chiens de piste sont dus à des maîtres qui brûlent les étapes. Même si la première tentative est parfaite on recommence plusieurs fois (l’avantage avec ma méthode, c’est que l’on peut faire plusieurs pistes par jour, le chiot sera toujours volontaire) avant d’aller plus loin, voici un exemple de progression correcte avec un chiot :
- une ligne de 20 pas avec un morceau tous les pas (15 fois)
- une ligne de 40 pas avec un morceau tous les pas (15 fois)
- une ligne de 80 pas avec un morceau tous les pas (15 fois)
- une ligne de 80 pas avec un arrondi et un moreau tous les pas (15 fois)
- une ligne de 80 pas avec deux arrondis et un morceau tous les pas (15 fois)
- une ligne de 20 pas avec un morceau tous les deux pas (15 fois)
- une ligne de 40 pas avec un morceau tous les deux pas (15 fois)
- etc.
- ensuite on passe à la série des « tous les trois pas », puis « tous les quatre pas »
- pour terminer on va ajouter un angle arrondi, un second, un troisième angle, un quatrième, jusqu’à parvenir en fin d’apprentissage à la tenue de piste, à environ une dizaine d’angles avec des friandises déposées de manière aléatoire. Ce qui signifie que lorsque l’on va associer les objets et la tenue de piste, le chiot ou le chien a déjà l’expérience d’environ 500 pistes !
- n’hésitez pas à faire des pistes froides de 15 mn à 1 h, lors du début de l’apprentissage, n’oublions pas qu’il y a de la nourriture et que l’odeur de la personne à rechercher doit être en équilibre avec l’odeur de celle-ci.
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