« Le chien de berger est de tous les chiens celui qui approche le plus de la race
primitive de cette espèce, puisque dans tous les pays habités par des hommes
sauvages, ou même à demi-civilisés, les chiens ressemblent à cette sorte de chiens
plus qu’à aucune autre ; que dans le continent entier du nouveau monde il n’y en
avait pas d’autres, qu’on les retrouve seuls de même au nord et au midi de notre
continent, et qu’en France où on les appelle communément chiens de Brie, et dans
les autres climats tempérés, ils sont encore en grand nombre, quoiqu’on se soit
beaucoup plus occupé à faire naître ou à multiplier les autres races qui avaient
plus d’agrément, qu’à conserver celle-ci qui n’a que de l’utilité, et qu’on a par
cette raison dédaignée, et abandonnée aux paysans chargés du soin des
troupeaux. Si l’on considère aussi que ce chien, malgré sa laideur et son air triste
et sauvage, est cependant supérieur par l’instinct à tous les autres chiens, qu’il a
un caractère décidé auquel l’éducation n’a point de part, qu’il est le seul qui
naisse, pour ainsi dire, tout élevé, et que guidé par le seul naturel, il s’attache de
lui-même à la garde des troupeaux avec une assiduité, une vigilance, une fidélité
singulières, qu’il les conduit avec une intelligence admirable et non
communiquée ; que ses talents sont l’étonnement et le repos de son maître ; tandis
qu’il faut au contraire beaucoup de temps et de peines pour instruire les autres
chiens, et les dresser aux usages auxquels on les destine ; on se confirmera dans
l’opinion que ce chien est le vrai chien de la Nature, celui qu’elle nous a donné
pour la plus grande utilité, celui qui a le plus de rapport avec l’ordre général des
êtres vivants, qui ont mutuellement besoin les uns des autres, celui enfin qu’on
doit regarder comme la souche et le modèle de l’espèce entière ».
Buffon 1774
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