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La Conquête grâce aux chiens :
Christophe Colomb arrive avec quelques chevaux et quelques chiens pour occuper un immense pays, l’impact psychologique de ces bêtes inconnues allaient le faire triompher partout.
Il s’agit de ces « Alanos » dont certains ressemblent à de grands Lévriers, d’autres à des Bouledogues, d’autre enfin à d’énormes Molosses, le « perro de presa ».
Leur mode de sélection était simple, l’agressivité et l’indifférence à la douleur. Une férocité entretenue par le fait que l’indien trop effrayé se défendait rarement, d’autre part on les utilisait comme instrument de torture.
Les indiens ne connaissent que les chiens de petite taille « couleur de soleil », le dieu-chien Xolotl, qui doit accompagner son maître dans la mort comme il avait accompagné le soleil pendant son périple sur la terre.
On comprend l’effroi des autochtones qui considèrent les énormes chiens des envahisseurs comme des démons. Les soldats qui les dirigeait étaient des individus cruels et sans scrupules qui ne pensaient qu’à s’enrichir. Pour les indiens ces gens, ces blancs qui parlent une langue étrange, habillés d’une armure et d’un casque, armés d’armes inconnus comme l’arquebuse ou la hallebarde, sachant monter sur de gros animaux (chevaux introduits par Vasquez de Coronado en 1540), ne pouvaient être que des dieux invulnérables.
Il faudra attendre le jour où Saleedo, représentant Ponce de Léon, gouverneur de Porto-Rico chargé de la collecte de l’or, parte seul avec des indiens pour le guider avec son auréole d’intouchable. Pour tester ses pouvoirs ceux-ci le jette à l’eau lors du passage à guet d’une rivière, et lui maintienne la tête sous l’eau, ensuite il le dépose sur la berge et attendent sa résurrection, qui ne vint jamais…
A partir de ce moment là seulement ils comprirent qu’ils avaient affaire à de simples mortels et qu’ils pouvaient se rebeller.
Dans son « Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle Espagne « (1632), le moine Bernal Diaz Del Castillo parle du terrible Lévrier du capitaine Francisco de Lugo : « Les Caciques du village demandent aux amis indiens venus avec nous de Tempoal, si c’est un lion, un tigre, ou une bête à tuer les indiens ».
En 1495 à Saint Dominique a lieu la première bataille contre le Cacique Caonabo. Le Chef de l’expédition est le frère de Christophe Colomb, Barthelemy, il dirige 200 hommes, 20 cavaliers et 20 chiens.
Pour les chiens on appellera cela « l’aperreamiento », c’est-à-dire les lancer à l’attaque les premiers afin d’épouvanter les indiens très impressionnés par ces bêtes énormes et combatives qu’ils ne connaissent pas.
Pierre Martyr d’Angheria écrira : « ils se jettent sur les indiens armés, de même que sur de rapides cerfs fugitifs ou sur des sangliers. Parfois, il ne fallut pas se servir d’épée, de flèches ou d’autres dards pour vaincre les ennemis qui sortaient à leur rencontre car, lâchant les chiens qui marchaient devant l’escadron, ils épouvantaient les indiens par leurs regards torves et leurs inouïs aboiements. Les Naturels hésitaient et quittaient le combat et les rangs, étonnés par la prodigieuse invention. ».
En 1520, lors de la conquête du Pérou, le passe-temps favori de De Soto, lieutenant de Pizarro, consistait à lâcher un indien dans la forêt puis de mettre les chiens sur leur piste pour une chasse à courre. Il est évident que les pauvres indiens n’avaient aucune chance d’échapper à la mort.
Lors de cette conquête, les soldats ou les chiens valeureux au combat recevaient une part du butin : c’étaient de terribles molosses dressés à la chasse humaine. Le jour des récompenses, ils recevaient leur part du butin. Le nom des plus braves figuraient à l’ordre du jour et chaque soldat qui possédait un de ces redoutables auxiliaires avait double solde.
La nuit, les indiens qui désiraient surprendre les camps des espagnols n’avaient aucune chance car les chiens faisaient le guet et pouvaient détecter facilement l’odeur des plantes qu’ils utilisaient pour se peindre le corps.
Pedro de Cieza de Léon déclare avoir vu « un portugais appelé Roque Martin, qui avait dans la patère des quarts d’Indiens pour engraisser des chiens comme si c’était des bêtes fauves » Le même principe utilisé pour créancier certains chiens de chasse au type de proie qu’il devait débusquer, poursuivre et mettre à mal.
Montaigne écrira : « On leur donnait échange non d’un mouvement simple, mais de plusieurs diverses parties au combat… auxquels les Espagnols payoient solde et faisoient partage du butin ; et montroient ces animaux autant d’adresse et de jugement à poursuyvre et arrester leur victoire, a charger et reculer selon les occasions, à distinguer les amis et les ennemis, comme ils faisoient d’ardeur et d’aspreté ».
Lettre de Hernan CORTEZ (1485-1547) à Charles QUINT (1500-1558) qui décrit les immenses marchés aztèque : « Sur ces marchés, chaque produit avait un lieu de vente déterminé. La vente se réalisait à la pièce ou à la mesure. Les jours de marché étaient fériés. Des tribunaux spéciaux, contrôlés par les marchands, tranchaient les conflits entre vendeurs et acheteurs et le chef des marchands fixait le prix des marchandises. Il était interdit de vendre les produits en dehors des places de marché. Sur les marchés plus petits et dans les localités de moindre envergure, le commerce était aux mains de marchands appelés tlanecuilo. Ils vendaient des produits de consommation courante et de la nourriture. Les marchés locaux étaient essentiels pour les populations étant donné que les Aztèques n’avaient pas d’animaux de trait ou de bât ».
Parmi ces chiens, l’histoire a retenu quelques noms évocateurs :
Bezerillo (le petit veau) à Diego de Salazar qui va combattre dans les Antilles contre les indiens Caribes « il s’élance sur les bandes d’indiens, et en saisit un par le bras, si l’homme se laisse emmener, le chien ne lui fait pas d’autre mal. Mais s’il résiste, il l’égorge sur-le-champ ». Il était de couleur vermeil et gagnait un salaire important. Il va mourir après avoir été blessé par une flèche empoisonnée d’un Indien Caribes.
Son fils « Leoncello » (petit lion), avait pour maître Vasco Nunez de Balboa, selon l’historien Oviedo il avait à son tableau de chasse 300 Indiens à lui seul (la meute de Nuñez de Balboa totalisait 2000 morts d’indiens !). Il est payé sur le butin de 500 castillans d’or dans ses combats dans la zone de Darien.
Il va périr comme son père victime d’une flèche empoisonnée lors d’un combat contre le Cacique Ponzoa, malgré son corset de cuir.
« Amadis » combattait protégé par un gilet pare-flèche, il avait appris à les esquiver lors de la conquête de Santa Marta.
Bruto était le chien d’Hernando de Soto, c’était un grand Lévrier puissant qui combattait en Floride. Il va mourir criblé de flèches en traversant une rivière à la poursuite des indiens. Le Cacique Ocita vit sa mère jetée aux chiens en représailles. Le passe-temps favori de De Soto , lieutenant de Pizarro lors de la conquête du Pérou en 1520 était de lâcher un indien dans la forêt et d’envoyer les chiens à, sa poursuite dans une chasse à courre horrible.
Pour nourrir les chiens certains soldats n’hésitaient pas à arracher des enfants à leur mère et à les jeter aux chiens. El turco appartenait à Jorge Robledo.
Le 15 Décembre 1532 Francisco Pizarro invite l’empereur des Incas Atahualpa, celui-ci se présente en tenue d’apparat avec ses officiers, soudain les espagnols ouvrent le feu et lâchent les chiens sur les indiens.
Le 12 Octobre 1492 Le marin Juan Rodriguez Bernajo crie « terre » Cristobal Colon pense qu’il est arrivé dans les Indes, en fait il est dans l’île de Guanahani, le 27 octobre il arrive à Cuba.
Diego Velasquez débarquera à son tour à Cuba en 1510. C’est peut-être une des raisons qui a fait appeler les molosses espagnols par certains auteurs, des « dogues de Cuba ».
En 1519 Cortes amène au Yucatan : 600 hommes 16 chevaux et une vingtaine de chiens, la population du Mexique compte environ 30 million de personnes. En occupant le Mexique, l’empereur aztèque Moctezuma le prend pour un messager des dieux, le massacre commence…
"Alors Valdivia le bourreau coupa les mains du cacique
Renvoya les prisonniers avec leurs nez et oreilles coupés
Valdivia taille ma terre avec son épée : ce morceau pour toi
Valdés ; cet autre à toi Montero ; celui-ci à toi Inès" Pablo Neruda
"Un certain Espagnol qui allait à la chasse au cerf ou au lapin avec ses chiens ne trouva un jour rien à chasser, et il lui sembla que les chiens avaient faim : il enlève un tout petit garçon à sa mère, et avec un poignard il lui coupe les bras et les jambes et donne à chaque chien sa part, quand les chiens ont mangé les morceaux, il jette le petit corps par terre à toute la bande"
"Que tous les véritables chrétiens et même ceux qui ne le sont pas sachent ce qui suit, et si l’on a jamais entendu parler d’une chose pareille : pour nourrir ces chiens, les Espagnoles emmènent sur les chemins beaucoup d’Indiens enchaînés, qui marchent comme des troupeaux de porcs ; les Espagnoles en tuent et tiennent boucherie publique de chair humaine : ils se disent les uns aux autres : "Prête-moi un quartier d’un de ces drôles pour donner à manger à mes chiens en attendant que j’en tue un autre" : comme s’ils échangeaient des quartiers de porc ou de mouton". Las Casas (1531)
Le Chili est occupé par Diégo de Almagro en 1536, il arrive du Pérou avec ses troupes.
Il n’y aura pas que les massacres, il y a également des maladies apportées comme la variole, la tuberculose, le typhus, la grippe, la rougeole, les oreillons en 1568 le Mexique ne compte plus que 3 millions d’habitants. Sur l’île d’Hispaniola ou débarque Colomb lors de son premier voyage en 1492, on dénombre 30 000 personnes. En 1510, ils sont 50 000, en 1530 : 160 000, en 1540 : 1000…
Lors de la guerre contre les indiens Creeks ou Natchez, qui se terminera en 1839, les troupes américaines de Taylor utilisent des molosses à nouveau.
En 1769, un général avait d’ailleurs conseillé : « Chaque cavalier aura avec lui un chien. Ces animaux seront d’un grand secours pour découvrir l’ennemi (les sauvages d’Amérique) caché en embuscade et le suivre à la piste. Ils saisiront le sauvage par la partie charnue de son individu et donneront à leur maîtres le temps de les rejoindre ; ils ajouteront aussi à la sûreté du camp pendant la nuit par leur vigilance en donnant l’alarme à l’approche de ce qui voulait les surprendre ».
On retrouve ces chiens en 1899 dans les îles Philippines avec le même emploi sanguinaire, comme le décrit un journal de l’époque : « les chiens sont de forte taille. Leur flair est extraordinaire. Comme ils sont accoutumés à voir dans les indigènes des ennemis, ils sont pour les soldats des auxiliaires presque indispensables. ».