Le début de l’emploi des chiens dans l’armée en France

Le chien a été intégré dans l'armée française avec beaucoup de réticences.

Au début de la guerre de 14, l'Allemagne possédait 6000 chiens dans plusieurs emplois, la France possédait 20 chiens de guet et 6 de liaison...

DANS L’ARMÉE FRANÇAISE.
moustache à Marengo
– Le « chien du régiment » est devenu le chien soldat, le « chien de guerre ». Régulièrement immatriculé sur les contrôles de l’armée, le chien de guerre possède un état civil, un livret militaire, une plaque d’identité, un équipement, comme un poilu. Les services qu’il a rendus, comme auxiliaire des sentinelles, pour doubler ou remplacer les agents de liaison, en couvrant les patrouilles ou éclairant le terrain ; comme porteur ou tracteur, en ravitaillant en vivres et munitions les postes avancés, isolés et soumis à d’intenses bombardements ; comme pisteur, pour rechercher les espions ou les prisonniers évadés, ont justifié pleinement la confiance que l’on avait mise en lui.

Mais, on peut dire que depuis 1885 des officiers, des cynophiles, qui s’étaient rendu compte des services que l’on pouvait attendre des chiens de guerre, durent lutter avec énergie et ténacité pour faire adopter le chien de guerre dans l’armée française.

Le lieutenant Jupin, du 32ème de ligne, en 1887, avait publié les Chiens militaires dans l’armée française, puis, en 1890, Tactique et Chiens de guerre, montrant par des exemples pris dans l’histoire des guerres et des batailles que des chiens dressés à certains emplois seraient d’une grande utilité. Dès 1885, sans appui d’aucune sorte, il fit l’acquisition de chiens, les prépara et les utilisa aux cours des grandes manœuvres.

Des rapports élogieux concluant à l’adoption du chien de guerre furent envoyés au ministère de la guerre, mais aucune suite n’y fut donnée.

Puis, ce furent les tentatives isolées dans divers corps d’armée : du capitaine Lauth en 1909 au 67ème régiment d’infanterie, et vers la même époque du lieutenant Faucher au 21ème bataillon de chasseurs à pied, du lieutenant Collot au 27ème régiment d’infanterie, du lieutenant Jarry au 5ème régiment de dragons, du lieutenant Isnard au 58ème régiment d’infanterie, du lieutenant Vicart au 38ème régiment d’infanterie, du lieutenant Buer au 19ème bataillon de chasseurs à pied ; et d’autres encore.
Ces officiers purent, au cours de grandes manœuvres en Champagne, en Touraine, en Picardie, dans les Vosges, dans les Alpes, utiliser des chiens, principalement comme porteurs de messages. Les chiens leur avaient été offerts par des associations d’amateurs de chiens de berger, désireuses de ne point laisser aux Allemands le monopole du chien de guerre.

Dans les guerres coloniales, le chien fut aussi quelque peu utilisé par le capitaine Pein en 1892, alors qu’il commandait un escadron de méharistes dans le Sud-Algérien, et en 1898 à Madagascar par le maréchal des logis Malric ; le premier se servit du chien comme auxiliaire des sentinelles et porteur de messages, le second comme avertisseur et chien d’attaque au besoin.

Rapports élogieux des autorités militaires, campagnes de presse, conférences, etc., rien ne fit : le ministre de la guerre voulait ignorer le chien de guerre, sans que l’on en sût la raison…

Depuis 1885 jusqu'à la veille de la guerre, le journal « l’Eleveur » multiplia les articles sur ce qui se faisait en Allemagne, sur les essais heureux et concluants faits en France mais que l’inertie des bureaux empêchait d’aboutir. Cependant, grâce à la ténacité du lieutenant Faucher, un chenil officiel militaire fut créé à Toul en 1913, et des chiens, une douzaine – qui avaient été offerts par des amateurs, – furent affectés à la garde de certains ouvrages de la place.

En août 1914, un dresseur professionnel de chiens de berger, Jouhant, de Bourg-la-Reine, patriote ardent, qui connaissait l’organisation allemande et avait, en vue d’une utilisation éventuelle, préparé en « chiens de guerre » un certain nombre d’animaux de son chenil, offrit au ministre de la guerre dix chiens dressés et trente prêts à être mis en dressage. Ses lettres et dépêches restèrent sans réponse.

Et cependant, par des articles parus dans les journaux et revues d’Allemagne et d’Autriche, on savait que nos ennemis utilisaient des chiens sur les deux fronts, que ces chiens avaient évité des surprises, en donnant l’éveil aux postes avancés, suppléaient les agents de liaison en portant des messages, qu’ils accompagnaient les patrouilles … D’autres offres de chiens parvinrent au ministère de la guerre : elles eurent le même sort que celles de Jouhant.

Dès la mobilisation, la « Société nationale du chien sanitaire » (V. Lar. Mens., t. I, p. 481), qui depuis plusieurs années s’occupait du dressage des chiens destinés à la recherche des blessés égarés ou dissimulés, mit à la disposition du Service de santé un assez grand nombre de chiens. Mais, par suite de circonstances diverses, ces chiens ne rendirent pas les services que l’on était en droit d’attendre d’eux. Par une décision en date du 15 septembre 1915, le G.Q.G. supprima l’emploi des chiens sanitaires aux armées.

En août 1914, à la déclaration de la guerre, un seul corps, le 19ème bataillon de chasseurs, partit en campagne avec six chiens de guerre (de liaison), dressés par le lieutenant Buer ; ils rendirent d’importants services, mais ne tardèrent pas à être tués, et ils ne furent pas remplacés.

En décembre 1914, le journal « le Temps » publia une étude sur l’utilisation du chien par les Allemands, montrant ce qui existait chez l’ennemi et ce qui pourrait exister chez nous. Des lettres parvinrent à l’auteur, principalement d’officiers des bataillons alpins, réclamant des chiens qui leur paraissaient vouloir être fort utiles dans la guerre de montagne.
Mais il était impossible d’envoyer des chiens, même dressés, sans également envoyer des hommes capables de les conduire. Quelques amateurs furent sollicités d’aller organiser un chenil militaire à l’armée des Vosges ; l’un d’eux, auxiliaire non encore mobilisé, répondit à l’appel et partit fin décembre 1914 au 12ème bataillon de chasseurs avec une équipe d’une douzaine de chiens. Ce fut le premier essai pendant cette guerre.

Quelques semaines après, un officier de l’armée active qui s’était occupé, avant la guerre, des chiens sanitaires, proposa au général de Castelnau d’organiser un chenil militaire pour l’armée qu’il commandait. Le général de Castelnau accepta. Mais, par suite de difficultés d’ordres divers, en tout cas étrangères à la bonne volonté des organisateurs, ces deux tentatives ne réussirent pas comme elles auraient dû, et la question de l’utilisation du chien paraissait dès lors sérieusement compromise : le G.Q.G. étant sur le point de décider la suppression des chenils …

Ainsi, nous qui avions en temps de paix fait les essais les plus concluants, et mieux que les Allemands approprié le dressage des chiens aux nouvelles méthodes de guerre, nous allions rester en arrière ?

Une nouvelle tentative faite par le directeur de « l’Eleveur » allait obtenir de plus appréciables résultats. S’adressant au général de Maud’huy, qui commandait alors l’armée des Vosges et d’Alsace, il lui demanda d’organiser sur le front de son armée un service de chien de guerre. Sa proposition fut acceptée, et moins d’un mois après il partait au front emmenant avec lui quinze dresseurs professionnels choisis parmi des militaires des vieilles classes ou du service auxiliaire, et une soixantaine de chiens offerts par des amateurs.

Fin juin 1915, le chenil militaire de la VIIème armée fonctionnait et mettait en service des chiens de diverses spécialités, dont n’eurent qu’à se louer les chefs de corps. Peu après, le chenil de la IIème armée (général de Castelnau) était réorganisé avec un personnel idoine. Quatre mois après, les résultats obtenus étant satisfaisants, le chenil militaire de Toul devint chenil de l’armée de Lorraine ; puis un chenil fut créé pour la région fortifiée de Dunkerque.

Ces quatre chenils furent les embryons desquels sortit « Le service des chiens de guerre ».

Mais ces chenils fonctionnèrent en quelque sorte officieusement : reconnus par le G.Q.G., il ne l’étaient point par le ministère de la guerre ; les chiens qui leur étaient fournis provenaient de dons ou de prêts d’amateurs, de sociétés pour l’amélioration des races ou le dressage des chiens ; ils vivaient en marge des règlements.
Leur situation restait délicate et difficile. Cependant, grâce aux résultats obtenus signalés par le G.Q.G. et aux actives démarches du compte Clary, président du Saint-Hubert-Club de France et vice-président de la société centrale pour l’amélioration des races de chiens en France, Millerand, alors ministre de la guerre, reconnut officiellement, le 25 décembre 1915, les chenils militaires et rattacha le « Service des chiens de guerre » à la Direction de l’infanterie (On aurait mieux compris que ce service fut rattaché à la Direction du génie, qui avait, depuis sa création, le service des pigeons voyageurs).

Cette reconnaissance n’améliora cependant pas beaucoup la situation des chenils militaires, faute de spécialistes à la tête de ce service.

La commission sénatoriale de l’armée s’émut de cette situation ; elle désigna un rapporteur pour s’occuper de la question, étudier les améliorations propres à la développer, et rechercher des spécialiste pour la diriger. Lebert, sénateur de la Sarthe, fut chargé du rapport et conclut, après enquête aux armées et à l’intérieur, à une réorganisation du service. Besnard, alors sous-secrétaire d’Etat à la guerre, s’intéressa à la question, et grâce à lui la solution intervint rapidement.

Au cabinet du général Lyautey, ministre de la guerre, se trouvait le capitaine Malric, qui, comme maréchal des logis, avait utilisé des chiens à Madagascar ; il fut désigné pour prendre la direction du « Service des chiens de guerre » ; il demanda comme adjoint le signataire de cet article, qui avait organisé le service des chiens de guerre à l’armée de Maud’huy ; et, de la Direction de l’infanterie, le service passa au Cabinet du ministre. En outre, le G.Q.G. acceptait que la nouvelle Direction eût la surveillance technique du dressage des chiens de guerre, et de leur utilisation aux armées. C’était une preuve évidente de l’importance que le haut commandement attachait aux chiens de guerre.

Tout en conservant le cadre du début, l’organisation fut considérablement améliorée. A la signature de l’armistice, toutes les armées avaient leurs chenils militaires, et beaucoup de régiments possédaient des chiens de guerre qui étaient de précieux auxiliaires.

Pour qu’un chien rendit des services, il fallait qu’il fut judicieusement recruté, convenablement préparé, correctement et complètement dressé, et confié à un homme qui sût l’utiliser.
Le recrutement fut organisé de façon à obtenir, avec le minimum de dépenses, le plus grand nombre de chiens. Seuls, certaines races ou certains types de chiens sont susceptibles d’être utilisés comme chien de guerre ; ce sont les races diverses de chiens de berger : chiens de berger français (variétés de Brie, de Beauce, d’Alsace, bouviers), chiens de berger belges (variétés de Malines, de Groenendael, de Tervueren, bouviers), chiens de berger anglais (variété d’Ecosse), auxquels on peut ajouter les airedales-terriers et les grands loulous, ainsi que tous les bâtards de ces races, chez lesquels domine le sang berger.
Les chiens de chasse, essayés, n’ont pas donné de bons résultats, sauf peut-être quelques retrievers : car, l’instinct l’emportant sur le dressage, si, par malheur, ils rencontraient un gibier ou même une piste de gibier, ils oubliaient leur devoir de porteurs de message, et étaient distraits ; leurs fonctions furent celles d’avertisseurs.

Pour avertir, pour être le parfait auxiliaire des sentinelles, un chien doit non seulement être en possession de tous ses moyens, mais pouvoir utiliser tous ses sens ; chez la plupart des chiens avertisseurs, le sens qui paraît jouer le rôle principal est l’ouïe, sens très développé chez les chiens de berger, dont l’oreille est en général droite ou demi-droite et dont la conque, dirigée en avant, forme un excellent réceptacle d’ondes sonores. Tous ceux qui ont utilisé le chien avertisseur ont remarqué que le premier mouvement d’un chien en faction, lorsqu’il perçoit un bruit quelconque, est de pointer les oreilles, les dirigeant vers l’endroit où il croit que provient le bruit, puis, il cherche à se rendre compte de la nature de ce bruit.

Des dogues, des mâtins, de forts bouviers furent utilisés comme patrouilleurs ; dressés à l’attaque, ils étaient lancés contre l’ennemi et capturaient, un peu rudement souvent, des prisonniers. Comme chiens de guet et comme chiens de liaison, furent dressés les bergers de toutes les races et parfois même les chiens sans race déterminée, mais qui avaient révélé aux dressages de sérieuses qualités.

Pour l’attelage et le portage, l’armée utilisa les forts chiens de berger et de bouvier, les dogues, les chiens de montagne, et aussi des chiens de chasse de grande taille, principalement des chiens courants, qui, étant continuellement sous la surveillance de leurs conducteurs, respectaient par force le gibier tentateur.

Grâce à la nouvelle organisation, et aux multiples emplois du chien, ceux qui n’avaient pas les qualités requises pour devenir des chiens de guerre proprement dits (liaison, sentinelle, patrouille) devenaient pour la plupart chiens de trait ou chiens porteurs. Dans ce cas encore, préparation et dressage étaient effectués par des spécialistes, ou surveillés par eux. Le pourcentage des chiens inutilisables ne dépassait pas 8 p.100.

Le recrutement avait été confié soit à des sociétés canines existant avant la guerre, soit à des amateurs connus et compétents, que le ministre de la guerre avait agréé dans ce but.

La France fut divisée en régions de recrutement, comprenant les départements où des sociétés d’amateurs cynophiles groupaient un assez grand nombre d’adhérents et organisaient des expositions ; là où il n’existait point de sociétés, ou lorsque celle-ci ne purent pour diverses raisons organiser des chenils, des amateurs furent sollicités.

Les directeurs de ces chenils étaient des civils, dégagés d’obligations militaires ; ils remplissaient leurs fonctions gratuitement. Ils ne recevaient de l’Etat qu’une somme de 100 francs par mois pour l’installation du chenil, son entretien et les frais de propagande et de recrutement, et 0 fr.50 par jour pour la nourriture des chiens. A leur disposition, l’armée mettait cinq militaires, dont un brigadier, appartenant au service auxiliaire, et inaptes à servir aux armées. Il existait une dizaine de chenils (Caen, Le Mans, Orléans, Epinal, Nantes, Bordeaux, Lyon, Marseille, etc.) soumis à la surveillance administrative du « Service des chiens de guerre » et qui opéraient leur recrutement avec l’aide des autorités civiles et d’amateurs qui s’étaient mis bénévolement à la disposition du ministre de la guerre. Chaque chenil recrutait mensuellement de 30 à 60 chiens.

Des chenils de recrutement, après un séjour de quelques jours, les chiens étaient dirigés par wagons de 18 à 20 têtes sur le « chenil-dépôt du service des chiens de guerre », installé dans des bâtiments du Jardin d’Acclimatation, au bois de Boulogne.
Ce « chenil-dépôt », dirigé également par un amateur bénévole, comprenait : 1° un sanatorium ; 2° un chenil de triage. Au sanatorium, installé par la société franco-anglo-américaine la Blue Cross, cette admirable « Croix-Rouge » des bêtes qui font la guerre, et qui assuma également la tâche d’installer plusieurs hôpitaux vétérinaires canins, les chiens restaient de trois à huit jours ; ils étaient désinfectés, intérieurement et extérieurement, nettoyés, pansés, mis en état : là également étaient amenés tous les chiens susceptibles d’être utilisés par le Service des chiens de guerre et qui tous les deux jours étaient prélevés à la fourrière de la ville de Paris, par le vétérinaire du Service.
Du sanatorium les chiens étaient versés au chenil de triage, et répartis par spécialités dans de vastes boxes très aérés, très hygiéniquement compris, avec cours d’ébats ; là , ils s’habituaient à la vie en commun, on ne leur demandait que de répondre à leur nom.

Avant la réorganisation du service, il existait cinq chenils de préparation, tous dirigés par des civils remplissant gratuitement ces fonctions, et auxquels il était accordé, comme aux chenils de recrutement et au chenil-dépôt, 100 francs par mois pour les frais d’entretien, et 0 fr.50 par chien et par jour, pour la nourriture. De ces huit chenils, la plupart aux environs immédiats de Paris (à Asnières, Courbevoie, Maisons-Lafitte, Plessis-Trévise, Vulaines-sur-Seine, Saint-Philbert-sur-Risle), cinq s’occupaient de la préparation des chiens de guerre proprement dits ; les trois autres avaient été spécialisés dans le dressage complet des chiens destinés à la garde et à la protection des établissements travaillant pour la défense nationale, service créé, à la demande du ministre de l’armement, afin de diminuer le nombre des gardiens et veilleurs d’usine et de rendre la garde plus efficace.

Chaque chenil, prévu pour 50 chiens, avait toujours une trentaine de sujets qu’il recevait mensuellement du chenil-dépôt et qui étaient préparés, par des spécialistes, à raison de six hommes et un sous-officier, appartenant aux mêmes catégories que ceux des chenils de recrutement.

On ne peut utiliser un chien aux armées sans qu’il soit complètement assoupli, rompu à une obéissance active, qui laisse l’animal en possession de ses moyens naturels ; c’est là le résultat que donne seul un dressage bien compris. Les exercices sont d’ailleurs gradués quant à la durée et à la difficulté. On apprend au chien à suivre à la laisse, à s’asseoir, à se coucher, à ne pas bouger de l’endroit où on l’a placé, à revenir où qu’il soit au premier appel de son conducteur ; on l’accoutume aussi aux bruits les plus divers, et aux crépitements des fusils et des revolvers.

On éprouve ses qualités ; on se rend compte s’il est vigilant ; s’il avertit naturellement et à quelle distance, de la venue d’un étranger, on essaie aussi son instinct d’orientation et son nez, en le faisant aller d’un conducteur à un autre, à des distances variables ; il doit être capable de retrouver ses conducteurs sans que ceux-ci aient besoin de l’appeler ou de la siffler. Et tout cela est obtenu uniquement par la douceur et des friandises ; dans la préparation d’un chien de guerre, comme du reste dans son dressage, s’il faut parfois punir il ne faut cependant jamais frapper, car le chien se rebuterait, et on ne pourrait plus rien en tirer. Les punitions – et le chien les comprend fort bien – sont : gronder, obliger à se tenir dans la position « coucher » sans bouger pendant un certain temps, mise à l’attache, privation de récréation.

A la fin de chaque période de préparation, les directeurs des chenils indiquaient sur le livret matricule de chaque animal les qualités de celui-ci, son degré de préparation, et la spécialisation vers laquelle il avait été dirigé (avertisseur, chien de liaison ou de patrouille), et tous les chiens prêts étaient envoyés au « chenil central militaire », situé au camp de Satory près de Versailles, établissement exclusivement militaire.

Ce chenil, dont la création, les plans et l’aménagement sont dus au commandant Malric, chef du « Service des chiens de guerre », comprenait près de six cents boxes, avec cours d’ébats pour chaque groupe de dix chiens.
Une partie était réservée aux chiens de guerre proprement dits, une autre aux chiens de trait et porteurs ; comme annexes, il y avait : 1° une manutention, qui, à l’aide des farines provenant du secouage de sacs, et, partant, impropres à la consommation humaine, fabriquait des biscuits spéciaux ; 2° un équarrissage, qui recevait journellement pour les abattre des chevaux réformés provenant d’hôpitaux vétérinaires ; 3° enfin, une infirmerie dirigée par un vétérinaire spécialiste des maladies des chiens.

Le chenil central militaire était dirigé par un lieutenant de l’armée territoriale, dans le civil dresseur professionnel ; cet officier avait sous ses ordres deux adjudants (l’un pour les chiens de guerre, l’autre pour les chiens de trait et porteurs) professionnels tous deux avant la guerre, et un certain nombre de gradés et hommes de troupe, de façon qu’un homme eût une moyenne de six chiens en dressage.

Là, le dressage des chiens, préparé par les chenils agréés, était parachevé : les chiens auxiliaires de sentinelles étaient déshabitués d’aboyer et dressés à avertir en grognant ; les chiens de liaison étaient dressés à retrouver leurs conducteurs à des distances de un à trois kilomètres en terrain varié, à travers bois, par-dessus des tranchées ou des trous d’obus, de jour et de nuit, au milieu des éclatements de grenades, du tac tac des mitrailleuses, du crépitement des feux de salve, des lueurs des projecteurs, des émissions de fumée, des éclatements de gros projectiles très fréquents à Satory où se trouvait une importante commission d’expérience et de réception de poudres.

Après quinze jours, un mois, six semaines, suivant les aptitudes des sujets, les chiens, sur les livrets desquels de nouvelles mentions étaient portées, se trouvaient « bon à partir » pour les chenils des armées. Suivant leurs demandes, établies d’après les besoins des divisions de leurs armées, les officiers directeurs de chenils d’armée étaient convoqués au chenil central militaire, et venaient y prendre livraison de chiens spécialisés.
Aux chenils des armées, tous situés à proximité du front, les chiens de guerre étaient mis en contact avec les poilus destinés à devenir leurs conducteurs en première ligne. Ceux-ci, envoyés pour un stage d’une semaine en moyenne au chenil de leur armée, apprenaient sous la direction du lieutenant directeur du Service des chiens de guerre de l’armée et de sous-officiers et maîtres dresseurs la manière d’utiliser un chien de guerre ; homme et chien avaient vite fait connaissance et devenaient une paire d’amis.

Pendant qu’au chenil central une partie des dresseurs s’occupaient des chiens de guerre, l’autre dressait des chiens de trait et porteurs. Ceux-ci étaient destinés à ravitailler en vivres et en munitions les unités de première ligne, là où n’avaient accès ni les chevaux ni les mulets. A certaines unités on fournit des petites voiturettes attelées de un, deux ou trois chiens ; à des unités plus importantes des sections entières de chiens de trait attelées aux même voiturettes, et des chiens porteurs pourvus d’un bât adapté à leur conformation.

Deux chiens traînent facilement 200 kilos quelquefois plus ; un chien bâté porte 12 à 15 kilos. Le ravitaillement en munitions par le moyen des chiens se fait plus rapidement ; les vivres parviennent plus régulièrement à destination, et c’est une économie de nombre, de forces et de vies d’hommes.

Au Service des chiens de guerre furent rattachées également deux sections de chiens de l’Alaska, qu’en 1916 le général de Maud’huy fit venir pour assurer le ravitaillement et le transport par traîneaux, pendant les hivers très neigeux de l’Alsace et des Vosges.

Dans tous les chenils quels qu’ils fussent, de l’intérieur ou du front, les chiens recevaient deux fois par jour une nourriture composée d’un bon pot-au-feu de pain, de viande, riz et légumes, provenant de déchets ou de denrées inutilisables pour la troupe.

Quant au personnel de tous les chenils, il appartenait à une compagnie spéciale et autonome du train des équipages dont le dépôt était à Paris et la portion centrale à Satory. Les dresseurs et conducteurs de chien de trait et porteurs étaient presque tous des spécialistes ; ceux qui ne l’étaient pas le devinrent, et tous, même ceux qui ravitaillaient les unités de première ligne, étaient des R.A.T. des vieilles classes, ou des auxiliaires.

Ce Service des chiens de guerre était, comme on le voit, assez important ; il comprenait un personnel hommes nombreux, un personnel chiens plus nombreux encore, et n’avait pour le diriger et le surveiller que trois officiers, mais tous trois spécialistes : le chef de service, un officier s’occupant particulièrement des questions de dressage et d’utilisation, et l’autre de l’administration générale.

Et maintenant, demandera-t-on, ces chiens de guerre ont-ils rendu des services ? S’il fallait mentionner toutes les actions dans lesquelles ils se sont distingués, les surprises qu’ils ont évitées, les vies humaines qu’ils ont épargnées, de longues pages seraient nécessaires. Qu’il suffise de citer ces lignes parues au rapport du 14 juin 1918 d’un régiment d’infanterie qui s’est illustré dans maints combats :

Le lieutenant-colonel commandant le 52ème R.I. porte à la connaissance de tous la mort du chien-sentinelle Lion, n° mle 147 et du chien de liaison Lion, n° mle 164, tués tout deux à la cote 304.

Ces deux fidèles camarades du soldat avaient rendu, en de nombreuses circonstances, les plus précieux services au régiment.

Paul Mégnin

Un poème sur le chien de guerre en 14-18

Le chien
....Sur la tombe du Maître il s'obstine à mourir

Il n'a pas oublié les soldats qui l'aimaient
Et dont il partagea la gamelle de soupe...
Il a toujours suivi docilement la troupe
De ceux qui ne sont plus et qui le caressaient.

Pauvre chien! il a vu succomber ses amis...
Il était là quand se déroulait la bataille...
Il les a vus,fauchés par la rude mitraille
Et sait que pour toujours ils se sont endormis.

Hélàs! jusqu'à la mort il leur sera fidèle...
Il ne veut pas quitter le glorieux tombeau
Et près de l'humble croix que voisine un drapeau
Il garde leur dépouille et parfois les appelle.

Il n'a pas oublié les soldats qui l'aimaient
Et dont il partagea la gamelle de soupe...
Il a toujours suivi docilement la troupe
De ceux qui ne sont plus et qui le caressaient.

Et quand le soir descend sur la plaine endeuillée,
Il a des aboiements lugubres qui font peur.
Pauvre chien,qui n'eût pas le suprême bonheur
De mourir avec eux,là-bas,dans la tranchée.
Louis Abric

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Photo Napoléon

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