HISTORIQUE DES LEVRIERS

Les restes les plus abondants d’ossements de chiens ayant vécus auprès de l’homme et partageant son foyer datent du Néolithique, c’est ce fameux Canis palustris ou chien des tourbières dont il existait déjà différents types : dogues, bergers, bassets, lévriers… A l’âge du Bronze, le type qui représente les lévriers est le Canis familiaris leineri (chien à proportions longilignes).

A la suite de la sélection naturelle qui privilégia les qualités adaptées au biotope (chez le lévrier c’est la vitesse qui permet de survivre dans les zones désertiques et plates en chassant à vue)), c’est l’homme qui l’améliora en accouplant les plus doués entre eux. Les peintures rupestres du Tassili n’Ajjer (4500 ans avant notre ère) atteste sa présence auprès de l’homme pour la chasse. Des fouilles archéologiques mettent en évidence des ossements à Tepe Gawra, Abou Danné, Eridu.

Chez les égyptiens, 4000 ans avant notre ère, le chien occupait une place de choix dans la maison, en particulier celui qui permettait de chasser dans le désert. On pouvait trouver plusieurs types que l’on différencier en fonction du port des oreilles ou de la queue. Il faut dire que les égyptiens recevaient de nombreux présents des pays conquis, en particulier des chiens.
Lors de l'invasion des peuplades asiatiques en 1785 avant notre ère, les Hyksos apportent la roue, le cheval, les molosses et le lévrier d'Asie qui sera croisé avec le Tesem.

Selon Loret : « la reine Ramaka rapporta du pays de Pourt (Erythrée et somalie) un certain nombre de « Tesem » (lévrier jaune aux oreilles droites et pointues-queue enroulée un tour et demi) ». Le même type que l’on retrouve dans les peintures rupestres du Tassili.

A cette époque le lévrier est utilisé de la même manière que le guépard apprivoisé, c’est surtout un instrument de chasse. Le dieu des morts Anubis est représenté soit avec une tête de chacal, soit avec une tête de lévrier.

Dans l’antiquité romaine et grecque le chien occupe une place de choix. On distingue un chien de berger, un chien de garde ou molosse, un lévrier d’Asie mineure. On parlera du chasseur grec Céphale dont le chien Loelops fut changé en pierre au moment d’atteindre Alopex le renard. En Grèce le lévrier se nommait le lacédémonien. Matius Fabricius dira dans un poème les prouesses du Vertragus plus rapide que la flèche et que la pensée, capable de poursuivre les bêtes découvertes par le Pétronien (autre chien de l’époque) qui lui en est incapable.

Les barbares chassaient le lièvre sans filets, Arrien dira : « Les gaulois chassent sans se servir de filets et non pour se procurer de la venaison, mais pour jouir de la beauté même de la chasse », ou : « Les vrais chasseurs ne mènent point les chiens à la chasse pour prendre l’animal, mais pour assister à un concours et à une lutte de vitesse. Ils se réjouissent même si le lièvre trouve moyen de s’échapper… Ils rappellent leurs chiens, surtout si ceux-ci se sont distingués dans ce concours de vitesse ». Ovide comparera Apollon poursuivant Daphné, à un lévrier gaulois qui chasse le lièvre et qui, prés de le saisir, s’allonge et précipite sa course.
Xénophon contestera le fait de capturer le lièvre à la course et pourtant même les lévriers des Celtes, plus rapides que ceux des romains y parvenaient : « Plus rapides que la flèche, mais plus capable de poursuivre le gibier lancé que de découvrir celui qui est au gîte ».
Le nom de Vertragus donné au chien chasseur de lièvre en Gaule viendrait du celtique « vitesse » ou « pieds rapides », ailleurs on le nommera « Veltrix leporarius » (chien de lièvre).

Les romains organisèrent des spectacles dans les arènes où des chiens massacraient du gibier sous les yeux de la foule, ces jeux du cirque s’appelaient « venationes » (chasses).

Flavius Arrien décrit ainsi la manière de distinguer les lévriers les plus rapides : « Les Vertragi doivent avoir la tête légère et bien ajustée ; il n’importe guère qu’elle soit de profil aquilin ou camus. S’ils ont au-dessous du front un repli fibreux, cela même est d’un grand intérêt. Ceux-là seuls qui ont la tête lourde ne sont pas bons, ainsi que tous ceux qui ont le museau épais, se terminant en masse et non en pointe. Tels sont les caractères de beauté de la tête. Quant aux yeux, qu’ils soient grands, à fleur de tête, purs, brillants, éblouissant celui qui les regarde… Pour les oreilles des chiens, qu’elles soient grandes et souples, au point de sembler brisées à cause de leur grandeur et de leur souplesse : c’est ainsi qu’elles sont les meilleures. Pourtant, si elles sont dressées, ce n’est pas un mauvais signe, à moins qu’elles ne soient petites et dures. Que le cou soit long, rond et flexible, en sorte qu’il paraisse se briser par l’effet de la souplesse et de sa flexibilité lorsque l’on tire en arrière sur le collier. Il vaut mieux une poitrine large qu’étroite. Les omoplates seront bien distinctes et non jointes ensemble ; qu’elles soient aussi dégagées que possible l’une de l’autre. Les jambes rondes, droites, fermes, les côtes solides ; les reins larges, forts, non viandeux, mais vrai faisceau de muscles ; le ventre avalé, les cuisses indépendantes l’une de l’autre ; les flancs creux… ».
Virgile dira dont les Géorgiques III : « le lévrier de Sparte à la course rapide ».
Le romain Flavius Arrianus va écrire un des premiers traité de la course en 124.

En Europe occidentale, c’est au cours du premier millénaire que les peuples conquérants venant de l’est : les Huns, les Scythes, les Illyriens, les Cimmériens, introduisirent auprès des Celtes le lévrier de chasse. A leur tour, les Celtes envahirent plusieurs régions comme les Iles Britanniques, entre le 5ème et le 2ème siècle avant notre ère, accompagnés de leurs chiens. Enfin les romains parvinrent en Grande-Bretagne en 43 (empereur Claude), et en Ecosse en 80 (empereur Domitien), permettant d’isoler dans les iles certains types de chiens qui allaient être sélectionnés par des croisements avec les sujets autochtones. Quintus Aurelius parle déjà de lévriers à loups en Irlande qu’on utilisa dans des scènes de chasse dans les arènes romaines, sans doute les ancêtres du Wolfhound et du Deerhound (chasseur de cerfs), dans les Highlands d’Ecosse.
Peinture, Diane chasseresse de Gaston Casimir St Pierre

Au début du moyen-âge, dans le Lex Salica, on indique qu’une amende de 15 solidi doit être payée pour le vol ou le meurtre de ce chien (pour un chien de chasse on ne demande que 3 solidi).
Entre 1260 et 1266, Brunetto Lattini distinguera les lévriers aptes à poursuivre les cerfs de ceux qui chassent les biches, les daims, ceux spécialisés sur les loutres ou les blaireaux, même certains qui vont à l’eau.
Gaston Phébus qui avait une meute de 600 chiens dira du lévrier qu’il est un chasseur redoutable.
Louis IX rapporta de nombreux lévriers de sa croisade d’Egypte.
Henri roi de Navarre fait état dans ses comptes en 1576, des dépenses pour la nourriture de 13 lévriers, 4 lévriers d’attache, 2 lévriers à lapins… Il écrira : « J’entends que vous avez de beaux lévriers et comme je n’ai que des lévrières, je vous prie de me les envoyer ».

Au moyen-âge, on distingue parmi ces chiens de la noblesse :
- le lévrier d’attache ou lévrier d’ordre (loup et sanglier)
- le lévrier pour lièvre (de couleur blanche)
- le lévrier pour lapins ou levrons (petit lévrier italien)

Livre du Roi Modus et de la reine Ratio
Il faut souligner qu’à cette époque le lévrier demeure le symbole de la fidélité, comme cette histoire du lévrier Guinefort l’atteste au XIIème siècle. Un chevalier ne trouvant pas son fils et voyant l’animal couvert de sang le tua, il s’apercevra plus tard que l’enfant était caché sain et sauf, et que c’est en combattant contre un serpent pour le sauver que son chien s’était taché de sang.

François 1er avait des lévriers issus du célèbre « Souillard » de Louis XI, il n’hésitait pas à dire que la vue de ses chiens réjouissaient l’âme, autant que la vue d’une femme…
Charles VIII tolérait ses lévriers sur son lit, ils dormaient sur une toile de lin pour ne pas salir la couche royale.
Louis XIV va créer la charge de « Capitaine des levrettes de la chambre du roi », qui disparut en 1786.

Pisanello (1400)

Plus tard, entre le 17ème et le 18ème siècle, Liger parlant des lévriers qui chassent de vitesse à l’œil, dira : « Les plus mobiles sont pour les lièvres et les meilleurs viennent de France, d’Angleterre et de Turquie… Tous les grands sont pou courre le loup, le sanglier, le renard et toutes les grosses bêtes ; ils viennent d’Irlande et d’Ecosse, et on les appelle lévriers d’attaque : on les fait combattre contre des buffles et des taureaux, et il y en a de Scythie, qui attaquent les lions et les tigres. Les petits lévriers sont pour courre les lapins, et ils viennent d’Angleterre, d’Espagne et du Portugal ».

Chasse
Buffon dans son arbre généalogique des chiens affirmera : Le lévrier et le mâtin ont produit le lévrier métis, que l’on appelle aussi le lévrier à poil de loup. Ce métis a le museau moins effilé que le franc lévrier, qui est très rare en France… Les grands lévriers viennent du levant ; ceux de taille médiocre, d’Italie ; et ces lévriers d’Italie, transportés en Angleterre, sont devenus levrons, c’est-à-dire lévriers encore plus petits ».
A partir de 1663 des combats contre des animaux se développent en Angleterre et en France, c’est ainsi que l’on verra des lévriers affronter des loups et autres bêtes sauvages dans une fosse.

"Grecs et Romains n'ont pas de notion précise de la « race », donc pas de standard. On a des descriptions partielles de chiens vus ou imaginés par un auteur. Le chien est désigné par sa fonction (« chien aux pieds rapides ») ou par son origine géographique (« chien de Laconie », « chien de Molossie »). Cependant, Jacques AYMARD, dans les Chasses romaines, p. 266, nous dit que la description du Vertragus, lévrier gaulois, faite par ARRIEN est un véritable standard « établi selon des procédés presque modernes ».
Au Moyen-Age, les chiens sont décrits dans leur taille, leur port d'oreilles (« brachets aux oreilles pendantes » chez Brunetto LAT1NI, entre 1260 et 1266) et leur utilisation (Henri de FERRIERES, vers 1360).
Gaston PHEBUS (ou FEBUS, comme il écrivait lui-même son nom), Comte de Foix, fait au contraire une description beaucoup plus détaillée des chiens dans son Livre de chasse (1387-1388). Il traite de l'allant, du lévrier, du chien courant, du chien d'oysel, du mâtin. Il décrit la tête, le museau, les narines, les oreilles, les lèvres, les yeux, le cou, le corps, la poitrine, le dos, le rein, le ventre, les épaules, les jambes (membres), les pieds, les ongles, les cuisses, les jarrets, la queue, la taille, le poil, la couleur de la robe, le pénis, les testicules. B parle du caractère et de la façon de chasser. La description du lévrier par Gaston PHEBUS est célèbre et a inspiré nombre d'auteurs, notamment anglais («tête longue et assez grosse en forme de brochet, (...) cou ployé en guise (à la façon) de cygne, etc.)."
Raymond Triquet

« Ces chiens ne paraissent différer des mâtins ) qu’en ce que toutes les parties du corps sont beaucoup plus minces et plus effilées, les os sont menus, et les muscles si maigres que ces animaux semblent être rétrécis relativement à leur longueur et à la taille des mâtins ; aussi le museau est plus pointu, les lèvres sont plus courtes, le chanfrein est arqué d’une manière plus apparente, et la tête plus petite et plus longue ; les oreilles sont plus étroites et plus minces, le cou est plus allongé, et le corps plus effilé, surtout à l’endroit des flancs ; les jambes sont plus sèches et la queue est moins charnue ; ces chiens ont le dos très arqué. Si les grands danois font paraître toute la force et la vigueur qui viennent de l’épaisseur des muscles, les lévriers ont toute la souplesse et l’agilité que donne la finesse de la taille ; leur poil est fort court : ils sont de couleur fauve-clair pour la plupart, ceux qui ont d’autres couleurs, comme le blanc, le noir, le gris, etc. les tiennent peut-être du mélange des mâtins ou des danois, comme le poil long de certains lévriers vient du mélange des épagneuls. On distingue des lévriers de trois grandeurs différentes, les grands, les moyens et les petits, que l’on appelle levrons ; ils ne différent que par la taille. Le lévrier, pour percer l’air avec facilité, a reçu une tête aigue et une taille fine : ses jambes si hautes et si menues embrassent beaucoup de terrain » Daubenton 1774-1785

« Le grand lévrier à poil ras est presque aussi grand que le danois de carrosse; il a les os menus, le dos voûté, le ventre creusé, les pattes sèches, le museau très allongé, les oreilles longues et étroites, couchées sur le cou lorsqu’il court, et relevées au moindre bruit. On le dresse pour la chasse : il a très bon oeil, mais il n’a point de sentiment. Le grand lévrier à poil long est un métis provenu d’un grand lévrier à poil ras et d’une épagneule de la grande espèce. Il a à peu près les mêmes qualités que le lévrier à poil ras, mais il a un peu plus de sentiment. Le lévrier de la moyenne espèce a la même figure et les mêmes qualités que le grand. Le lévrier de la petite espèce ne sert que d’amusement. Il est extrêmement rare, et le plus cher de tous les chiens. On ne le recherche que pour sa figure ; car il n’a pas seulement l’instinct de s’attacher à son maître » Diderot et d’Alembert 1771-1778
« Le lévrier d’attache, c’est le plus robuste et le plus courageux des lévriers ; en Scythie (région de la Russie méridionale) on l’emploie à garder le bétail qui n’est jamais enfermé. On en trouve en Ecosse, en Irlande, en Tartarie et chez presque tous les peuples du Nord : il poursuit le loup, le sanglier, quelquefois même le buffle et le taureau sauvage. Un lévrier d’attache vaut quelquefois le courage de dix chasseurs » Delisle de Sales 1769

« Le petit lévrier d’Angleterre, on choisit les plus hauts pour courir le lapin dans une garenne ou dans quelque lieu clos (…) les lévriers qui ont le palais imprimé de grandes ondes noires sont les plus vigoureux ; on choisit ceux qui sont tisonnés, à gueule noire, et qui ont le corps marqueté de très grandes taches, le pied sec, une encolure longue, la tête petite et longue, le poil longuet, et plus de chair à la partie postérieure qu’à l’antérieure » Valmont de Bomare 1775

Lévrier pour la chasse au loup
« Il doit être grand, long et bien déchargé. Il en faut en excepter ceux qu’on met en lesse et qui doivent être plus renforcés parce qu’on les destine à arrêter le loup. Il doit encore avoir la tête un peu plus longue que large, l’oeil gros et plein de feu, le cou large, les reins hauts et larges, les hanches bien gigotées, les jambes sèches et nerveuses, le pied petit, et les ongles gros et sans ergots. Le lévrier qui a le poil noir, ou rouge, ou gros, ou gris tisonné, est préférable à tout autre » Chomel 1741.

« Les gros lévriers qui tiennent de la nature du dogue ne sont pas propres à la
chasse du loup ; ils se fatiguent aisément, sont difficiles à gouverner, et ils sont en outre moins rapides et moins braves que l’ennemi qu’ils ont à combattre » Buchoz 1775

« L’existence de l’Irish Wolfhound, utilisé pour la guerre et la chasse, est attestée en Irlande dès l’Antiquité par une statuette de bronze découverte à Lydney. Ils furent exportés rapidement vers le continent : en 391 avant J.C, une lettre du consul Aurelius Simmaco à son frère Flavien, en place en Bretagne romaine, le remerciait pour l’envoi de sept lévriers irlandais destinés aux jeux de Rome » Launey

Terme de vénerie:

Lévriers nobles, ceux dont la tête est petite et allongée, l'encolure longue et déliée, le râble large et bien fait.

Lévriers harpés, ceux qui ont les devants et les côtés fort ovales et peu de ventre.

Lévriers gigottés, ceux qui ont les gigots courts et gros et les os éloignés. Lévriers ouvrés, ceux dont le palais est marqué de grandes ondes noires.

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