Hommage aux chiens sans papiers, corniauds et bâtards

Copyright J. ORTEGA

“ La gloire nous n’en voulons point, toutes nos actions n’ont pour objet que celle de notre seigneur ”.

Les chiens sans pedigree représentent une partie importante du cheptel canin, on peut dire la majorité de celui-ci, c’est à dire entre 70 et 90% selon les pays. Qu’on ne s’y méprenne, pas ceci n’est pas l’éloge des chiens sans pedigree aux dépens des chiens de race, mais puisqu’ils existent et ont une fonction auprès de l’homme, pourquoi les négliger dédaigneusement ?

Le chien de l’amour :

Il faut d’abord définir l’appellation que l’on donne à ces “ sans race ”. Le bâtard est le produit de deux chiens de races différentes ou d’un chien de race et d’un chien sans origine reconnue.

Le corniaud est lui issu de l’union de deux chiens sans race reconnue.

Ils ont toujours existés et existent encore à la périphérie des grandes villes, en ville ou dans un foyer humain.

On a même pu distinguer : les chiens “ marrons ” redevenus sauvages et vivant en complète autonomie comme commensal de l’homme, souvent à proximité des décharges publiques.

Les chiens errants (stay dogs) qui ont été abandonnés ou perdus et qui vivent de ce qu’ils trouvent ou de ce qu’on veut bien leur donner.

Les chiens en circulation libre (free ranging dogs) qui quittent leur maison pour fuguer ou qui sont mis dehors par les maîtres, retournant chez eu le soir.

Les chiens vivant dans des foyers au contact permanent des maîtres comme n’importe quel chien de race.

En France se sont surtout les deux dernières catégories que l’on trouve, en général ils ne chassent pas car ils sont bien nourris par les maîtres, néanmoins il ne faut pas négliger la présence des chiens vivant dans la campagne en complète autarcie, véritables sauvages qui s’organisent en meute et commettent des dégâts parmi les troupeaux (parmi eux on trouve de plus en plus de chiens avec Pedigree). Ces chiens errants sont ramassés par la fourrière mais le plus souvent abattus par les chasseurs, les fermiers ou les bergers.

“ Nous les petits nous les sans grade… ”

Nous parlerons plutôt du chien bâtard ou du corniaud qui partage la vie d’un humain ou d’une famille. Ils sont suffisamment nombreux, aussi utiles, avec un aussi grand cœur pour le maître et les enfants que les chiens de race.

Il faut dire que leur enfance est particulièrement heureuse, souvent plus que celle du chien à Pedigree, car n’ayant pas de grande valeur marchande, rêve d’étalon ou de lice…, on ne le poursuit pas pour le gaver de vitamines, de produits phospho-calciques contre le rachitisme, le faire courir pour préparer les allures qui séduiront les juges de beauté, l’enduire de shampooing spécial et pratiquer un toilettage méticuleux.

Il n’est pas surveillé et dirigé continuellement, mais le plus souvent laissé libre de se livrer à n’importe quel comportement en tout lieu.

L’expérience sur le tas :

C’est un aventurier qui peut acquérir une immense expérience, ce qui lui donne un caractère équilibré et lui permet d’affronter les événements quand ils se présentent, avec une maîtrise de soi et un sérieux indéniables.

Dans la rue ou en promenade il est accoutumé à faire connaissance et à jouer avec ses congénères, aussi est-il rarement agressif, déchiffrant rapidement le langage des autres chiens et y répondant avec facilité.

Quelques-uns d’entre eux, un peu trop libres (pour ne pas donner des arguments aux ennemis de l’espèce canine), vont en vadrouille par la ville, se mêlent à la foule, explorent une poubelle, traversent au feu rouge en bon citoyen, échappent avec aisance à la fourrière en vrais clochards se méfiant des uniformes.

Si quelques chiens de race, issus d’un élevage consanguin, d’une mère ayant des troubles psychiques, ou élevés dans du coton, sont comme Bucéphale, le cheval d’Alexandre le Grand qui avait peur de son ombre, lui, le paria, n’a peur de rien et sait faire face à n’importe quel test de caractère.

Avec les enfants, il est un compagnon joyeux qui sait participer au jeu, avec mesure, sollicitant les échanges sans être agaçant. Il est rarement “ jaloux ” d’eux, car il n’a pas été outrageusement gâté lorsqu’il était chiot, se contentant de les apprécier, comme un prolongement du maître.

L’utilisation :

Les Clubs de travail acceptent rarement les chiens sans pedigree. Je pense que là les moniteurs font une erreur car ils se privent d’une source de connaissance passionnante.

Pour la notoriété du Club, il faut, bien sûr, choisir ceux qui ont l’apparence d’une des races existantes, ensuite, il ne faut pas les mettre à un programme de travail réglementé où peuvent seuls concourir les chiens avec Pedigree, pour eux aucun intérêt, mais plutôt, après quelques tests, les orienter dans des exercices particuliers. Le chien de race est obligé de travailler selon des règles précises pour passer son brevet en ring, en international, en pistage. Le chien “ sans papiers ” sera dirigé vers une utilisation où il présente des dispositions, sans aucune frontière, aucune limite.

Les sauteurs, se verront initiés au parcours d’obstacles ; cercle de fer, cercle de feu, grimpé d’échelle, passage sur une poutre, dans un tunnel en rampant, dans des tonneaux, par dessus des haies naturelles, etc…

Les doués pour l’obéissance :

Ils exécuteront des rapports d’objets avec un panier, un revolver, un œuf (sans le casser), un journal (qu’il peut apprendre à aller chercher en librairie), un poisson lancé d’un canot, etc…

Rappelons que si la SCC interdit que ces chiens fassent du mordant dans les clubs, elle les admet cependant dans les concours d’Agility ou mieux, d’obéissance.

Les pisteurs :

Ce sont eux qui peuvent réunir tous les suffrages et valoriser l’emploi du chien sans race ; ils pourront suppléer au manque d’effectif canin de la police et de la gendarmerie pour rechercher un enfant perdu, un vieillard ou un malade mental qui fait une fugue.

En pistage pratique, la piste a plusieurs kilomètres de longueur, les objets perdus peuvent être posés, suspendus, enterrés, le chien doit les indiquer sans les toucher et en silence cela en se couchant ou en s’asseyant à environ un mètre d’eux.

Plusieurs chiens peuvent se relayer sur la piste qui sera tracée sur n’importe quel terrain : champs, sable, traversées de rivière, descente d’une pente abrupte, etc. Le départ peut avoir lieu plusieurs heures après celui du fugitif et se situer en ville ou dans un lieu piétiné par diverses personnes, l’identité olfactive étant fournie par un vêtement du traceur.

Comme chiens visiteurs, ils sont les bienvenus dans mon association, s'il correspondent au profil!

Les utilisations du chien sans pedigree peuvent ainsi varier à l’infini et ne sont contingentées par aucune règle, chaque bête étant dirigée vers la discipline où elle répond le mieux.

Le seul reproche que l’on puisse faire à ces chiens, c’est une certaine instabilité caractérielle qui ne les dispose pas toujours à travailler, et cette anomalie dans la constance des réponses attendues les rend, certains jours assez primesautiers pour “ oublier ” les exercices et les ordres du maître.

Il ne s’agit pas de prôner la production de tels chiens, il faut simplement encourager leurs maîtres à les employer sans aucune honte. Ils n’ont, en effet pas de motivation constituée par les coupes, les médailles, les titres des autres utilisateurs, mais ils peuvent s’initier aux joies de l’éducation avec leur bête qui, elle, a autant d’amour à offrir que n’importe quel chien ayant un arbre généalogique flatteur. Et puis, pourquoi ne pas choisir ensuite un chien avec pedigree qui leur permettra d’approcher les concours officiels ?

Le chien bâtard tient compagnie, sait monter la garde, voue à son maître une fidélité exemplaire et s’il n’a pas la chance d’être Benji pour être rendu célèbre par Walt Disney, il n’en ai pas moins cher au cœur de la famille humaine où il vit. En dehors de Benji la malice, rappelons les non moins célèbres Rantanplan, chien de Luky Luke, qui ne se souvient plus si sa mère était louve ou si son père était coyote, Idefix le chien de notre Gaulois Obelix, ou le fameux clochard qui séduira la Belle, un autre film de Walt Disney.

“ Mais, j’veux un chien, un p’tit bâtard.

Je m’en fous de la marque (…)

Je veux un chien, un p’tit bâtard sans estampille ”. Pierre Perret.

Parmi ces “ sans papiers ” on trouve néanmoins une certaine homogénéité de types que l’on peut regrouper en :

Le type Berger. C’est le “ chien-loup ”, avec les oreilles droites et la queue basse qui a sans doute eut à un moment un ancêtre Berger Allemand.

C’est également le “ Labrit ” qu’on trouve surtout dans le Sud-Ouest et qui a une certaine apparence de Berger des Pyrénées.

Le type ratier oreilles pointues, ou demi-relevés ou basses c’est un chien de petites taille, râblé, nerveux, avec un tempérament de Terrier.

“ Je suis un horrible mélange !

Je suis le chien total, fils de tous les passants !

J’entends japper en moi la voix de tous les sangs : Griffons, Mastiffs, Briquets d’Artois ou de Saintonge,

Mon âme est une meute assise en rond qui songe ! ”

Voir mon livre " ÉLEVAGE ET COMPORTEMENT ", préface du Professeur Denis. Dans mon site!

Pas de commentaire.

Ajouter un commentaire

Vous devez être Connecté pour poster un commentaire.