Le Bouledogue français

Les problèmes économiques avec le chômage vont faire s’expatrier les denteliers Anglais, en particulier de Nottingham, dans des villes comme Calais avec leurs chiens (également en Hollande, Belgique, Allemagne), avec parmi eux ce Bulldog métissé de divers terriers, dont le type très allégé de « Toy-bulldog ».

Cette période débute vers 1850 et va se poursuivre par des importations car ce petit molosse aux oreilles dressées qui pèse environ 10kg plait beaucoup par son originalité, mais également ce que l’on a tendance à oublier par ses qualités de chasseur.

Des meutes que les spécialistes de la chasse aux puants vont utiliser comme le Baron Le Coulteux de Caumon vers 1870. Les croisements avec divers petits chiens de toutes races ou sans races vont donner ce petit colosse vif et drôle qui s’adapte aussi bien à un appartement exigu dans Paris qu’à une écurie.

C’est surtout dans la capitale autour de la Villette, à Belleville, aux Halles qu’il va connaître un grand succès, non pas auprès des grands de ce monde mais auprès des ouvriers, artisans, bouchers, cafetiers, cochers de fiacre, sous le nom de "Doguin". Il a une mauvaise réputation car en 1845 il est interdit dans les rues à Paris, on oblige déjà au port de la muselière. Son nom va se franciser il passe de Bulldog à Bouledogue.

Il est surtout un chasseur de rat et un gardien avertisseur avant d’être un chien de compagnie, un « ratier » léger et rapide très utile pour préserver les écuries et les entrepôts des rongeurs très nombreux à l’époque.

On organise des combats contre les rats où le petit peuple de Paris peut parier (une cage de 1 m2 ou le rat se trouve. Lors du siège de Paris en 1870, le rat va servir de nourriture au maître), de même que l’on va lâcher des meutes sur un taureau ou un autre animal. Dans les combats, surtout pratiqués vers 1841 à la "Barrière des combats", on leur met un collier en cuir large avec des poils de blaireau pour piquer l'adversaire.

En 1865, lors de l'exposition de Paris, on trouve deux types: plus ou moins de 6 kg, avec oreilles dressées ou non.

On est étonné de voir les prouesses courageuses de ce petit bout de chien dans les « ratodromes », lors du siège de 1870 quelqu’un écrira : « Dans cette cage se trouve en Bouledogue dont la fonction est de tuer d’un coup de gueule le rat concerné afin que vous puissiez emporter la marchandise ».

Un club est fondé en 1880 et les naissances enregistrées en 1885, les classes aisées et la noblesse commencent à s’intéresser à ce petit bonhomme que l’on nomme "Boule" ou "chien boule français", le roi Edouard VII est fier de poser avec son Boule nommé Peter.

On le retrouve dans les bras des demi-mondaines mais également dans les maisons closes. Le café de M. Albouis qui est éleveur, rue St Séverin, est le lieu de réunion des amateurs. On le voit porter un collier en poil de blaireau.

Le Bulldog de Paris va apparaître dans les expositions canines en 1887, les Anglais ne sont pas très contents de voir cette copie de leur Toy-Bulldog où les oreilles étaient comme celle de la chauve-souris (d’un goût douteux pour eux) et non en rose (rose ears), G. Krehl écrira en 1893 : « Nous, Anglais, qui avons toujours ressenti une affinité spéciale pour notre symbole national, devons rejeter cette abomination qui a été apportée dans notre pays, quand bien même elle serait appelée Bulldog français ».

Une réunion des amateurs de la race présidée par le prince de Wagram va se tenir en 1896 (le premier sujet est inscrit au livre généalogique de la SCC) pour décider de la conduite à tenir, jusqu’en 1909 les chiens à oreilles droites seront pénalisés par les juges, également en France.

Au début en Angleterre les deux races sont jugées ensemble, en fonction du standard anglais, il faudra attendre la reconnaissance du standard français par le club fondé par l'éleveur Charles Boyer (établi en 1888) en 1898 par la SCC (Le club du bouledogue français est alors présidé par Menans de Corre, éleveur) pour que les anglais l’admettent de mauvaise grâce, le "Toy Bulldog Club" est créé en 1898, ils vont fonder un club "French Bulldog Club" en 1902 et le Kennel Club l’admettra en 1905 et enfin adoptera le nom de « French Bulldog » en 1911.

En 1907, on peut lire dans le journal « L’acclimatation » : Le type le plus à la mode est celui qui pèse environ 10 kg, il a les oreilles droites constamment bien portées, la queue courte et recroquevillée, la robe bringé foncé sans tache blanche, et qui ne tire pas la langue, défaut, hélas fréquent. Le prix d’un beau sujet adulte atteint un chiffre élevé ; il y a des chiens aux Tuileries qui se vendent couramment cent louis ».

En 1909 une réunion internationale va valider le standard français. Le Club international « Internationaler Klub für Französische Bulldoggen né en 1915.

Des dissensions vont apparaître et un nouveau standard international est élaboré, puis en 1932 le club français apporte les dernières précisions qui vont être appliquées jusqu’en 1948.

Toulouse Lautrec en fit son portrait en prenant comme modèle le Bouboule de Mme Palmyre qui tenait le restaurant « la souris », lieu de rencontre des lesbiennes, ce chien n’aimant pas les femmes il allait sous les tables pour uriner sur leurs robes. Compagnon de Mistinguett dont il assurait la garde du lit, ou de Colette qui le fit parler dans ses écrits : « Il lui arrive de jouer avec un chien, de l’affoler par une rapidité, une brutalité qui lui assurent presque toujours la victoire, mais c’est pour revenir vers moi et me dire – Hein ? Tu as vu comme je l’ai arrangé, ce…chien ! ».

La comtesse de Comminges disait qu’il était le plus courageux des animaux, caractère que Colette avait modéré en disant : « Il est trop entiché de l’humanité pour haïr un homme qui ouvre une porte fusse à l’aide d’une pince-monseigneur ». La grande duchesse Tatiana, fille de Nicolas II, garde son chien lorsqu'elle est en captivité.

On ne peut s’empêcher de citer la fameuse phrase de Pierre Mac-Orlan : « Le petit Bouledogue français est un chien si l’on veut, c’est plutôt ce qu’on appelle quelqu’un », ou bien cet extrait d’un ouvrage de Maurice Maeterlinck : « J’ai perdu ces jours-ci un petit Bouledogue (…) Il était beau comme un beau monstre naturel qui s’est strictement conformé aux lois de son espèce. Et quel sourire d’obligeance attentive, d’innocence incorruptible, de soumission affectueuse, de reconnaissance sans bornes et d’abandon total illuminait, à la moindre caresse, cet adorable masque de laideur ».

En 1960, on trouve encore deux types: 8 à 11 kg et 11 à 14 kg pour les mâles, et 7 à 10 kg et 10 à 13 kg pour les femelles. Les élevages connus: des Hironvales, de la Route Bleue, du Clos du Vieux Pommier, du Connétable, de Mevess, du Cloître Saint Cyr... Première nationale d'élevage en 1896.

Brachycéphale du grec brakhus : court et kephalê : tête. Un crâne aussi large que court, arrondi sans crête sagittale externe. Un crâne large avec des yeux ronds, un front bombé surmonté d’oreilles dressées et arrondies en Chauve-souris, un stop très marqué avec un nez « remouché » (retroussé), une mâchoire prognathe, un corps carré avec une ligne de dos se relevant légèrement en Roach back (dos de carpe), une queue courte et bien collée de naissance qui reste au-dessous de l’horizontale, un gabarit de molosse en réduction, passe-partout, de l’intérêt pour tout et le goût du jeu, c’est le Boule !

On peut reprendre à son compte ce portrait du Bulldog qu’à fait un spécialiste de la race dans son ouvrage « the perfect Bulldog » : « Le Bulldog idéal que j’ai essayé de décrire est un chien symétrique, bien proportionné et actif, exempt de toute exagération ou monstruosité ».

Il arrive aux Etats-Unis à Boston en 1896 avec George Phelps. L'année suivante le "French Bulldog Club of America" est fondé.
Oreilles en coquilles Oreilles chauve-souris

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