Le Terre-Neuve

Un molossoïde à l’allure harmonieuse

Un Saint-Bernard des eaux

Historique :

La légende veut que l’origine du Terre-Neuve date de la découverte de l’île par les vikings, vers l’an 1000 sous la direction de Leif Ericson, fils d’Eric le rouge, qui explora une partie de l’Amérique du nord amenant avec lui un “ chien-ours ” noir, nommé “ Oolum ”.

Une autre source cite la venue des Basques spécialistes de la pêche dans les années 1500 qui auraient été accompagnés de Montagne des Pyrénées.

Pourtant en 1497 John Cabot qui prit possession de l’Ile au nom de l’Anleterre ne découvrit aucun chien. En 1622 lorsque les anglais s’installent, le Terre-Neuve est toujours absent, du moins n’est-il pas mentionné. Quelques années plus tard Sir Joseph Banks parlera de chiens avec du sang Mastiff aptes à tirer des traîneaux dans les bois. Certains récits feront mention de “ chien-ours ” utiles à tous les travaux, depuis tirer les filets et repêcher le poisson, jusqu’à faire tourner une roue à eau.

Ce n’est qu’en 1771 que le Terre-Neuve prendra sa dénomination, en particulier dans le journal du capitaine Cartwright. Buffon nous dira qu’il existe des chiens de Groenland avec une fourrure noire ou blanche et Scott insistera sur les difficultés à différencier les deux races.

En 1779 Bewick décrit pour la première fois les doigts “ palmés ” du Terre-Neuve.

La race est probablement issue du Dogue du Thibet avec, au cours des années, des apports de sang de Montagne des Pyrénées, Labrador, Spaniel d’origine américaine ou espagnole et portugaise, Barbet français, etc.

Le Landseer qui est la variété noire et blanche du Terre-Neuve doit son nom au peintre animalier Sir Edwin Landseer.

Le fait est que la race allait faire rapidement des passionnés parmi des hommes illustres comme : Georges III, Napoléon, le Capitaine Cook, Byron et Scott.

Si l’exportation commence, surtout vers l’Angleterre, dans son lieu d’origine il allait être presque exterminé, lorsque l’élevage du mouton commença et que le gouverneur interdit plus d’un chien par famille ainsi que l’abattage de tout chien trouvé en liberté.

En 1840 le Colnel Hamilton Smith décrit la race comme noir et bronze avec des têtes mieux conformées que dans l’île de Terre-Neuve.

C’est en 1860 que seront présentés les premiers spécimens en exposition canine à Birmingham.

Lorsque les Saint-Bernard de l’hospice du même nom furent atteints de maladies, durant les hivers 1830 et 1856, c’est le Terre-Neuve qui fut employé pour régénérer la race donnant des Saint-Bernard à poils longs.

Le premier Club de race fut créé en Angleterre en 1886 élaborant bientôt le standard de la race. Dès 1876 les anglais organisent des épreuves de travail à l’eau à Maidstone, Portsmouth et Alston. Il faut dire qu’à cet époque de la marine à voile la plupart des bateaux avait à bord son “ ship-dog ”.

Très habile nageur, le Terre-Neuve savait plonger et nager, même par une mer démontée, ainsi que rapporter les poissons ou le “ bout ” qui permettait de tirer un canot. Grâce à sa puissance il fut employé à tracter des charrettes pour les pêcheurs, pour les laitiers, pour des charpentiers. Plus tard il trouve des emplois dans l’armée comme : chien de bât, chien de trait, dans le froid et la neige.

Son rôle de chien sauveteur n’est plus à démontrer et les témoignages abondent au cours de l’histoire, de Terre-Neuve ayant sauvés des vies humaines de la noyade.

En France, la race eut beaucoup de mal à s’implanter et c’est grâce à Henri Freminet que le Club Français du chien Terre-Neuve fut fondé en 1963 avec comme premier président M. Montenot.

En 1964 et malgré les dissidences au sein des éleveurs, le nombre de chiens inscrits au LOF s’élevait à 241 et à l’exposition canine à Paris en 1966, 13 sujets seront présentés. En 1997, 1704 sujets seront inscrits au LOF (1609 Terre-Neuve et 95 Landseer) la race occupant la 24e place dans le nombre des naissances en France. Il faut noter que le Landseer, qui porte le nom du peintre animalier, a changé d’apellation pour devenir “ Terre-Neuve blanc et noir ”. De nos jours le noir reste la couleur type avec quelquefois une nuance bronze mais on trouve également le marron allant du chocolat au bronze. Le noir et blanc doit obligatoirement avoir la tête avec parfois une liste blanche au museau, le manteau est noir jusqu’à la naissance de la queue.

On peut dire que la race a évoluée, depuis les variétés qui existaient au départ : Grand Terre-Neuve (Great Newfoundland) vivant à l’intérieur de l’île. Petit Terre-Neuve de St. John (Lesser Newfoundland) que l’on trouvait sur la côte. Le cou s’est allongé, la poitrine est plus profonde, les membres ont une bonne longueur, la queue qui était enroulée s’est abaissée...

Actuellement le Terre-Neuve est toujours orienté vers le travail et un bon rapport hauteur-longueur est exigé, les ergots sont à retirer, le poil est plat dense et huileux. Le noir est préféré maintenant aux couleurs noir et bronze largement mêlées à l’origine.

C’est un gabarit qui offre une grande puissance et un mâle de 70 cm au garrot pour un poids de 70 kg est assez imposant et s’il ne peut faire preuve à terre de rapidité et d’influx nerveux, c’est dans l’eau qui trouvera toute sa mesure. Son pelage est bien pourvu en sous-poil surtout en hiver ce qui permet de retenir un matelas de molécules d’air servant d’isolant et aidant à la flottaison. L’aspect huileux du poil de couverture est obtenu par la production de sébum de ses glandes, qui lui permettra de résister aux grands froids et à imperméabiliser son pelage.

Les pattes sont robustes avec des pieds larges dont les doigts comportent des membranes jusqu’à la deuxième phalange, ce qui a fait dire qu’il avait les pieds palmés.

La queue, bien pourvue en poil, fait office, elle, de gouvernail, lorsqu’il nage.

Sa personnalité :

Son calme n’est pas de la passivité béate, en réalité il observe et analyse les événements grâce à son intelligence, en cas de besoin il sait prendre des initiatives. Très attaché à ses maîtres, il aime tous les humains sans distinction d’âge, et sa patience d’ange en ferait le chien idéal pour la rééducation des enfants ayant des problèmes psychologiques ; avec comme atouts : sa grande taille (rassurante), son poil long et bien fourni (agréable à caresser ou à s’endormir dessus), seule restriction que feraient certains psychologues, sa couleur sombre.

Son intelligence tournée vers les humains, en fait un chien dépourvu d’agressivité, on peut néanmoins obtenir de lui, pour les personnes isolées, l’aboiement caverneux qui signale l’approche d’un étranger.

Comment le choisir ?

Il n’est pas trop difficile de choisir votre futur compagnon parmi une portée de chiots Terre-Neuve homogène.

Les seules critères à retenir c’est l’absence d’agressivité ou de crainte chez la mère ou chez le père s’il est visible, ainsi que l’amabilité et le goût du contact du petit que vous avez a sélectionner.

Comment l’éduquer ?

Ce n’est pas seulement un bon gros nounours au pelage sombre. C’est aussi un chien d’utilité qu’on peut et qu’on devrait utiliser davantage pour sauver les personnes qui se noient, ou qui se trouvent en difficulté. Si vous aimez venir en aide à votre prochain, voyez comment vous pouvez éduquer votre chien dans ce sens, car pour doué qu’il soit, le Terre-Neuve a tout de même besoin d’un entraînement.

Le standard du Terre-Neuve, établi en 1967 précise que c’est un chien d’eau utilisé pour le sauvetage et qu’il doit avoir une nature exceptionnellement douce et docile.

Ce chien sportif, doué de dispositions particulières pour le travail à l’eau, ne demande qu’à sortir de son rôle de chien d’agrément qu’on se contente trop souvent de lui faire jouer.

Au cours des années il fut employé à diverses reprises, quelquefois d’une manière malhabile comme ceux qui furent utilisés sous l’impulsion du préfet Lépine sur les berges de la Seine au début du siècle.

En 1876, C. Marshall instaure les premières règles pour épreuves à l’eau qui eurent lieu à Maidstone. On peut citer parmi les épreuves exigées “ Capacité de traîner une corde se déroulant depuis le rivage jusqu’à un bateau en difficulté où se trouve une personne (pas le maître). Courses à la nage, contre courant ou marée, pour montrer vitesse et puissance. Plonger et récupérer un objet au fond, etc. ”.

En 1929, au Canada, ce sont les premières épreuves à l’eau en Amérique.

De nos jours il est employé aux Etats-Unis et au Canada plutôt comme chien de trait avec des compétitions “ Weight-pulling ” sur de courtes distances. Rappelons que c’est le Canada qui est le pays détenteur du standard de la race, ceci depuis le 29 Octobre 1996, ce qui pour le moment n’a rien changé au standard tel que nous le connaissions. Par exemple la taille minimum du mâle est de 68 cm et 63 cm pour la femelle sans indication de maximum.

En 1966 on commence à parler de travail à l’eau en France avec une démonstration à Amiens. Le premier concours de travail à l’eau se déroule à Loeuilly (Somme).

Au début des années 1970 c’est la gendarmerie qui l’utilise dans son centre de formation des maîtres de chiens à Gramat (Lot).

Début 80 je donne des formations pour le travail à l'eau en tant que responsable technique dans le club de Chateauneuf lès Martigues, par la Méthode Naturelle.

Avant de parler d’éducation, disons un mot sur ses aptitudes physiques. Le Terre-Neuve c’est un grand chien qui ne pèse plus rien une fois dans l’eau et qui peut déployer une grande puissance. A terre, par contre, ne vous attendez pas à ce qu’il excelle dans les exercices qui demandent de la rapidité.

Le contact avec l’élément liquide :

Il faut faire en sorte que l’eau devienne son second élément pour évoluer, aussi doit-on commencer très tôt à le familiariser à celle-ci. A l’étape chiot, on peut jouer avec lui dans une grande cuvette, où il s’ébattra avec les enfants durant la saison chaude. Plus tard on ira jouer à la balle avec lui le long d’un plan d’eau calme, ce qui permettra de l’entraîner doucement à courir dans l’élément liquide et même à y chercher son jouet.

L’aide d’un mentor canin n’est pas négligeable et un chien de n’importe quel race aimant l’eau peut remplir cet office. En jouant près de l’eau et dans l’eau le chiot ne fera plus de différence et n’aura aucune appréhension à y pénétrer à sa suite.

L’éducation :

Le Terre-Neuve doit certes faire preuve d’initiatives et être à même de choisir le comportement le plus adapté pour se porter au secours d’un homme, appréciation du courant marin, de la hauteur des vagues, sens de la direction, etc. Il fait pourtant équipe avec son maître qui est là pour diriger de la voix et du geste, aussi doit-il connaître la signification des ordres.

- L’obéissance :

Il est impossible d’obtenir des obéissances aussi pointilleuses qu’avec un chien de berger,néanmoins avec de la patience et de la méthode on peut parvenir à inculquer à ce gros nounours noir les exercices les plus complexes.

Le premier apprentissage sera celui du rappel à l’ordre, quelle que soit les circonstances, pour cela on se servira de quelque chose de très attractif chez le jeune comme la gamelle ou la balle de jeu. Chaque retour doit être une fête et l’attribution de plaisir. En aucun cas on ne doit se fâcher, perdre patience, courir derrière lui, et à son retour s’il a pris son temps on ne doit pas le gronder et l’attacher mais plutôt passer par une séquence de jeu avec le maître.

Le second sera la marche au pied en laisse ou sans laisse afin de contrôler les déplacements, que ce soit à terrain découvert ou dans la foule. Pour cela les moyens coercitifs classiques, comme les colliers de force ou les coups de sonnette sur la laisse, ont peu d’effet sur sa masse. On utilisera plutôt l’attrait de la friandise ou de l’objet de jeu jusqu’à ce que le conditionnement soit fixé.

L’absence du maître doit s’inculquer chez le jeune chien afin de lui apprendre à demeurer à une place désignée. La position la plus raisonnable sera la position couchée qui ne le fatiguera pas, plus tard cela servira à le laisser devant une boutique qui interdit l’entrée au chien ou s’il fait du travail à l’eau à le placer à un endroit déterminé pendant que les hommes préparent le matériel de sauvetage (canot, harnais, cordage, bouée).

- Le rapport d’objet

C’est la base même de l’éducation chez le chien de travail à l’eau et celui qui a une bonne motivation, comme Retriever, possède déjà l’essentiel de ce qui lui sera demandé plus tard. En effet, il aura a rapporter une bouée, à rechercher un bout de bois relié à une corde à un canot qu’il devra tirer, etc.

En ce qui concerne le travail à l’eau lui-même si le maître est intéressé par l’obtention d’un brevet de sauvetage ou tout simplement pour donner de l’exercice à son chien il devra lui apprendre : à nager derrière un canot, à rapporter un objet jeté de la berge, à rapporter un objet lancé d’un canot, à tirer un mannequin jusqu’au rivage en le prenant par le bras, à ramener un véritable nageur tombé d’un canot, à tirer un canot avec des personnes à bord, etc.

L’entretien du Terre-Neuve :

Il est très facile surtout en dehors des périodes de mue. Tout d’abord on évite les shampooings et les bains avec tel ou tel produit même “ spécialisé ”, un brossage deux fois par semaine avec une brosse dure (chiendent) suffira pour activer les glandes et ôter le poil mort avec, de temps en temps, le passage de l’étrille derrière les oreilles, sur la poitrine ou à la culotte. En cas de travail à l’eau il ne faut pas le laisser trop longtemps immerger sous peine de mouiller son sous-poil qui doit retenir des bulles d’air et qui risque de lui faire prendre froid. L’idéal c’est d’alterner exercice à l’eau et exercice sur la terre ferme pour qu’il sèche rapidement.

Rappelons que le Terre-Neuve a une nage coulée sans que les antérieurs battent l’eau, le corps reste horizontal et balance régulièrement au rythme des pattes.

Le maître qui lui faudrait

Le Terre-Neuve est un chien placide, très près de l’homme, mais qui malgré sa taille, a besoin d’exercices, son maître idéal sera quelqu’un de calme et patient qui aime les activités aquatiques. Attention le Terre-Neuve a une croissance lente il grandit jusqu’à environ 24 mois (moment où il a multiplié son poids de naissance par 100), il lui faudra donc veiller à ne pas trop forcer lors des exercices de jeu.

Histoires de Terre-Neuve

En 1919 un bateau à vapeur “ S.S. Ethée ” se brisa sur la côte de la Nouvelle Ecosse. Les secours ne pouvant parvenir jusqu’à lui tant la mer était déchaînée. Un homme se noya en tentant d’amener une ligne jusqu’à terre. Le capitaine du navire, en désespoir de cause, attacha un filin à son Terre-Neuve “ Tang ” et l’envoya vers le rivage, celui-ci y parvint, ce qui permit de sauver l’équipage et les passagers parmi lesquels se trouvait un bébé.

Le sauveteur à quatre pattes reçut une médaille pour “ Meritorious Service ”.

Le Comte de Tankerville engagea un procès contre un Terre-Neuve qui avait pris l’habitude de venir pêcher le saumon, sur le barrage par lequel un ruisseau s’écoulait dans sa propriété. Il ne les mangeait pas mais les entassait par 12 ou 20 près de lui avant de repartir.

Un voyage de 300 miles engagea 4 Terre-Neuve ainsi que des Huskies et des Malamutes à porter secours aux survivants d’un avion qui s’était écrasé en Alaska. Les chiens étaient porteurs de sacoches contenant le matériel de sauvetage, ils marchèrent pendant 5 jours...

Boatswain et sa fabuleuse histoire

On peut lire sur un monument situé à Windsor, comté de Berkshire en Angleterre, cette inscription.

“ A cette place sont déposé les restes d’une créature qui possédait la beauté sans vanité, la force sans insolence, le courage sans férocité, et toutes les vertus de l’homme sans ses vices ”.

Boatswain né à Terre-Neuve (Mai 1801), et mort à Windsor, le 18 novembre 1815. Il fut amené, tout petit encore, en Angleterre, par le capitaine Philips de la Royal Navy, qui se chargea de sa nourriture et de son éducation. L’élève justifia cette confiance par le développement rapide de ses qualités naturelles.

A deux ans, Boatswain était le plus beau chien qu’on put voir : son pelage était gris noir, nuancé de taches rousses, sa tête était majestueuse, ses yeux pleins de feu, sa queue formait un panache superbe et agité, et deux touffes de poils blancs et soyeux tombaient sur ses pattes de derrière. Ajoutez à cela de la bravoure, de la générosité, du désintéressement, et toutes les vertus mentionnées sur l’épitaphe.

On ne parlait plus à Londres que du chien du capitaine Philips. Le prince régent entendit parler du beau chien, et proposa au capitaine Philips de l’échanger contre un grade supérieur. Le capitaine fut au désespoir, et répondit pourtant (c’était l’usage) qu’il était enchanté de pouvoir contribuer aux plaisirs de Son Altesse.

Deux jours après, Boatswain fut transféré à Windsor, où l’on fit bâtir un élégant pavillon dans le style chinois.

Jusqu’en 1804, Boatswain se contenta de faire les délices de la cour ; à partir de cette époque, il commença à jouer un rôle politique.

L’Angleterre voulait rompre avec la France, mais il fallait pour cela être assuré de la coopération des puissances du Nord. Malgré ses tentatives répétées, elle n’avait pu encore former de coalition. Un jour, le corps diplomatique était réuni à Windsor et l’ambassadeur de Prusse causait avec le prince régent non loin d’eux, était un des envoyés de la France, diplomate habile, que le premier consul Bonaparte, honorait de toute sa confiance. Le prince régent cherchait à entraîner l’ambassadeur dans le parti de la guerre par toutes les raisons que peut fournir un esprit délié et insinuant. L’ambassadeur, assez peu convaincu, ne répondait que d’une manière évasive aux questions du prince, mais en revanche il s’extasiait sur l’élégance et l’organisation de la réception.

A ce moment précis, Boatswain, qui avait ses grandes et petites entrées, circulait au milieu des groupes.

“ Quel bel animal ! dit l’ambassadeur de Prusse.

“ Oui répondit le prince, il n’est réellement pas trop mal et puis il a tant de qualités !

“ Vraiment ? ”

“ Je puis affirmer à Votre Excellence. Par exemple, il rapporte parfaitement, je vais vous en donner la preuve.

Boatswain était toujours auprès de l’envoyé français ; il paraissait occupé à chiffonner quelque chose entre ses dents.

“ Apportez ici, s’écria le prince régent.

Boatswain s’avança aussitôt vers son maître, tenant dans sa gueule une lettre qu’il remis avec beaucoup de gentillesse.

“ C’est sans doute quelque papier égaré dans mes appartements. Vous permettez, monsieur l’ambassadeur ?

L’ambassadeur s’inclina et le régent parcourut la lettre.

Elle était adressé à l’envoyé français, et contenait ce peu de mots ;

“ Monsieur, j’écris à mon ambassadeur aussi bien qu’à vous, pour une affaire essentielle. Il faut empêcher à tout prix un rapprochement entre la cour d’Angleterre et l’ambassadeur de Prusse, c’est un homme borné et prétentieux, il ne vous sera pas difficile d’agir sur lui. ” Bonaparte, premier consul.

L’ambassadeur de Prusse fut sur le champ prié de lire.

Il lut, et l’éloquence du document écrit fut plus efficace que celle du régent ; car, le diplomate, furieux, ne pensa plus que guerre et carnage. Ceci était grave. Ce qui fut plus grave encore, c’est qu’il envoya de telles dépêches, que son gouvernement se déclara contre la France, et que la coalition se trouva formée.

Tel fut le premier acte politique de Boatswain. Il en résultat une des plus sanglantes guerre du monde, et le bouleversement de l’Europe entière.

Boatswain parut toujours ignorer la part qui lui revenait dans ces événements historiques, et ne perdit rien de sa modestie et de sa simplicité. Le régent se prit soudain de passion pour les chevaux ; il fit don de son ancien favori à Brunnel. Brunnel le vendit 300 guinées au duc de Richmond qui le revendit 200 guinées au marquis d’Argyle, lequel le céda à son tour 150 guinées au Marquis d’Argyle, lequel le cèda à son tour 150 guinées au Comte d’Alereford, et le Comte pour 80 seulement à lord Ross. Le pauvre Boatswain voyait ainsi baisser sa cote.

Par bonheur, il retrouva enfin un maître digne de lui. Lord Ross le donna à un physicien de la Société royale de Londres. Ce savant était fort original. Il trouvait que les bêtes valaient mieux que les hommes. En conséquence, il s’attacha à Boatswain et en fut payé de retour. Pourtant il y avait un monde entre la nourriture que lui servait l’académicien, et les filets de salmis de bécasses du prince régent, les cervelles frites du beau Brunnel, les perdreaux truffés du duc de Richmond, les filets d’agneaux du marquis d’Argyle, les côtelettes du comte d’Hereford, et les épaules de mouton de lord Ross.

Malgré cela Boatswain était heureux. Il prit un jour au savant l’envie de visiter la France. Ce qu’il fit. Arrivé à Paris, le physicien demanda une audience au vainqueur d’Austerlitz. Ceci se passait à Saint-Cloud, à l’heure du déjeuner.

Napoléon se trouvait dans un pavillon au milieu du parc ; ne voulant pas se déranger pour un Anglais, il ordonna de l’introduire de suite, ce qui était déjà extraordinaire de la part de celui que toutes les gazettes d'Autriche et d'Angleterre appelaient le tyran.

Le savant fut d’abord troublé, mais il se remit, et la conversation s’engagea sur la physique. Bientôt on entendit à la porte comme un murmure prolongé. Napoléon se leva pour voir d’où provenait ce bruit étrange :

“ Sire, dit notre savant, c’est un de mes amis qui est resté à la porte et qui se plaint à sa manière d’être séparé de moi.

“ Eh bien, je serais enchanté de faire connaissance avec votre ami, répondit Napoléon.

On ouvrit la porte, et Boatswain se précipita vers son maître en faisant mille cabrioles. Le malheur voulut qu’il accrochât un magnifique vase en porcelaine de Sèvres, qui tomba parterre et se brisa en cent morceaux. Le savant furieux, saisit une chaise et se disposait à frapper Boatswain, lorsque Napoléon intervint.

“ Monsieur, il sera facile de faire un vase pareil à celui qui vient ,d’être brisé, mais on trouverait difficilement un autre chien aussi beau que celui-ci ; je vous demande donc grâce.

La grâce accordée, Boatswain s’approcha de son sauveur en faisant parler l’éloquence de son regard humide et brillant. Napoléon le caressa en silence pendant quelques minutes, puis il dit au physicien.

“ Voyez, monsieur, les hommes ne sont pas toujours aussi reconnaissants. Quel dommage que ce chien n’ait pas leur mémoire.

L’audience terminée, le savant retourna à Paris, d’où il reprit le chemin de son île natale, pendant que Napoléon prenait celui de quelque capitale ennemie.

Quelques années plus tard, l’histoire avait tourné.

Napoléon était à l’île d’Elbe, et Boatswain se faisait vieux à Londres. Son maître, le savant était mort, et par suite, notre héros avait passé dans les mains de l’héritier. Ses facultés commençaient à baisser , il était devenu tranquille comme quelqu’un qui a beaucoup vu, beaucoup réfléchi.

Un jour, à l’île d’Elbe, Napoléon dans une de ses promenades au bord de la mer, rencontra les officiers d’un navire anglais nouvellement arrivé. Ces militaires sollicitèrent une présentation que l’Empereur leur accorda sur le champ. On fit cercle autour de lui. Le capitaine anglais improvisa un discours, et Napoléon y répondait en termes flatteurs, lorsqu’un énorme chien, se précipitant au milieu du groupe, vint se coucher à ses pieds, manifestant la plus grande joie.

“ Ici Boatswain ! cria le capitaine furieux.

Au nom de Boatswain, Napoléon se mit à sourire, et s’adressant au capitaine :

“ Qui vous a donné ce chien ? dit-il.

“ Sire, il appartenait à mon père.

“ Vous êtes donc le fils du savant qui vint me rendre visite à Saint-Cloud.

“ oui, Sire, fit l’Anglais en s’inclinant.

“ J’en suis charmé, monsieur, pour vous et pour moi ; cela me donne l’occasion de revoir un ancien protégé que je reconnais à sa gratitude.

Puis il raconta aux officiers la scène de Saint-Cloud.

Ce fut le lendemain de cette rencontre que Napoléon, profitant de la nuit sombre, quitta l’île avec ses grenadiers. On arrivait sur la plage, lorsque tout à coup il se fit un tumulte.

L’Empereur demanda ce que c’était.

“ Sire, c’est un Anglais qu’on vient d’arrêter, et que les soldats ont pris pour un espion. Ils voulaient le massacrer sur place.

Napoléon ordonna simplement d’embarquer le prisonnier avec les français, pour qu’il ne pût donner l’alarme. Puis il descendit sur la rive, où plusieurs canots étaient déjà chargés de soldats. On y arrivait en passant sur une longue planche ; or, en passant, l’Empereur perdit l’équilibre et tomba dans la mer, assez profonde à cet endroit.

On avait à peine remarqué sa disparition, la destinée du grand homme allait finir... Mais la providence veillait. Plus prompte que l’éclair, on vit une masse noire plonger et replonger trois fois, puis réapparaître en ramenant Napoléon, qui en fut quitte pour un bain de mer ! c’était Boatswain qui venait d’acquitter sa dette de Saint-Cloud.

Voilà, parait-il, la biographie authentique de Boatswain ; il mourut bientôt dans le parc de Windsor, où le prince régent l’avait réinstallé, et lui fit faire l’épitaphe que vous savez.

On peut terminer en citant l’épitaphe de Lord Byron à son chien.

“ Quant tout est fini pour l’orgueilleux fils de l’homme, on voit sur sa tombe ce qu’il aurait dû être, et non ce qu’il a été, mais on oublie le mérite du chien et l’âme qu’il avait en ce monde lui est refusée dans le ciel ”.

Le Terre-Neuve en chiffres

1815 à 1860 élaboration de la race par les Anglais

1886 Création du Newfoundland Club, l’association de race.

1963 Premier Club français du chien Terre-Neuve
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